J 0 : Liège – Faro – Sagres :
Ça y est ! J’y suis… Après 4 ans d’une trop longue attente, je retrouve enfin les Chemins !
Départ en fanfare de la maison, ce vendredi 15 septembre 2023. Après avoir tout préparé un peu dans la précipitation, mais finalement fin prêt, on quitte la maison, direction la gare pour le train qui me conduira à l’aéroport de Charleroi, d’où mon avion, heureusement pas déprogrammé malgré les grèves, m’emmènera vers Faro. Car c’est au Portugal que j’ai choisi cette année d’user mes crampons.
Enfin, départ en fanfare… Ou presque ! Quel fou rire lorsqu’à peine arrivé à la voiture, Molly me fait remarquer que j’avais oublié… mon sac à dos !
Enfin bref, transfert en train sans encombre, voyage en avion un peu pénible, coincé entre un hublot avec la plupart du temps aucune autre vue que la couverture nuageuse, un vieux ronchon qui m’avait bien fait comprendre qu’il n’avait aucune envie d’engager la conversation et qui a reniflé son nez durant tout le trajet, et derrière une dame en singlet de laquelle émanait un doux parfum de transpiration bien marqué. Arrivé à Faro dans les temps, avec 23° et un ciel plombé.
Première nuit à l’auberge, au confort un peu spartiate et à l’accueil carcéral. Je partage ma chambre avec Bryan. Enfin, un Anglais dont j’ai oublié le prénom. Mais en disant Bryan, j’ai une chance sur deux de ne pas me tromper ! Un grand distrait qui avait oublié son passeport dans l’auberge précédente et qui devait donc le lendemain faire 250km aller-retour pour pouvoir embarquer dans son vol de retour.
Par contre, au matin, un déjeuner de roi digne d’un hôtel. Ibis Budget, ne nous emballons pas, mais quand même : pain, baguette, fromage et jambon, légumes variés, fruits divers, céréales, confitures, café, thé, etc. Il y avait de tout et pour tous les goûts.
Transfert à Sagres aujourd’hui. Un peu long, mais sans encombre également. Et je suis ce soir dans une auberge 5 étoiles : dortoir organisé en alcôves avec des petits rideaux pour chaque lit, douches spacieuses, bar et restaurant, supermarché à 100m, cuisine bien achalandée, piscine, bière à 1,30€, et soirée animée. Ce soir, par exemple, ça sera karaoké. Une auberge plutôt jeune, une fois n’est pas coutume. Parce qu’en vrai, « jeunesse » est un terme un peu usurpé puisque c’est ouvert à tous ! Mais Sagres est une cité balnéaire très prisée des surfeurs, et la moyenne d’âge est donc ce soir bien inférieur à 30 ans. Et je dois en être le doyen !
Je laisse les jeunes s’épandre en rires et en cris, je suis assis un peu à l’écart à rédiger, un peu comme Hemingway dans son bar louche, excusez du peu !
Demain sera le grand jour. Déjà rallongé de 6km, à défaut de bus qui ne circule qu’à partir de 11h le dimanche. Avec déjà la crainte de ne pas savoir où dormir… Enfin, crainte est un bien grand mot, puisqu’au final, je me contente de peu. Mais en pleine réserve naturelle où le bivouac est en principe interdit, dans une ville où le logement le moins cher est hors de prix, on avisera !
J 1 : Sagres – Cabo-Sao Vicente – Vila do Bispo
Rarement eu une nuit si calme en albergue. Malgré les 11 condisciples, pas un ronflement, pas un pet plus haut que l’autre, rien, si ce n’est deux ou trois distraits qui ont switché l’éclairage générale une fraction de seconde en se trompant avec l’interrupteur de leur veilleuse.
Une bonne nuit, et un déjeuner sain. C’est qu’ils ne se nourrissent que de crudités et de graines au lait de soja, ces jeunes surfeurs, nomdidju ! Heureusement qu’il y avait quand même quelques tranches de jambon transparentes et un peu de fromage, et que le pain était bon, sans quoi, j’aurai également dû picorer de l’avoine !
Quant à ma première journée de pèlerinage, elle fut en deux teintes. Presque trois, même !
A commencer par mes 6km de rallonge. Finalement, l’absence de bus ce matin fut plutôt un signe du destin : le chemin entre Sagres et Cabo Sao-Vicente est de toute beauté, de quoi augurer une bonne journée. A longer des falaises plongeant dans l’océan, bercer tout le long par les déferlantes s’écrasant sur les rochers, un soleil bien présent sans être trop pesant, et une petite brise rafraichissante, on frôlait la perfection.
Arrivée au cap par la rue des marchands du temple, obligé de slalomer entre les gens, les vélos et les véhicules, la foule se presse… juste pour photographier le phare dont les grilles sont inexorablement verrouillées. Impossible même de le contourner pour aller rejoindre la pointe du cap.
C’est de là que mon Chemin commence réellement. Enfin, Chemin… Jusqu’à Lisbonne, ça n’est pas encore un réel Chemin. Tout au plus une belle rando dans la réserve naturelle de l’Algarve, mais je souhaitais partir de la pointe sud la plus extrême.
A partir du Cabo Sao-Vicente donc, j’emprunte le Trilho dos Pescadores, le sentier des pêcheurs. Un début tout aussi beau que chaotique, sur un sentier de roches erratiques. Impossible de détacher mes yeux de mes pieds ne fut-ce qu’une seule seconde au risque de me casser les pattes !
Mais bon Dieu, qu’est-ce que c’est beau ! Peut-être un des plus dangereux qu’il m’ait été donné d’emprunter, mais un des plus beaux !
Mais ça, c’était le début, sur environ 2km. S’en suivi un parcours tantôt entre les broussailles, tantôt sur une voie large et rocailleuse. Toujours aussi belle avec ses vues sur l’océan et ses plages peuplées de surfeurs.
C’est après que ça s’est gâté, quand le chemin plutôt « nature » s’est transformé en une route « ecovia » : un sentier carrossable, aménagé en gravier clair et poussiéreux, que je me suis tapé sur près de 7km jusqu’à mon arrivée à Vale do Bispo… Une horreur !
Ajouté à cela l’impossibilité de trouver non seulement un logement, mais également un endroit discret pour planter ma tente, il ne me restait comme solution que… de m’attabler à un bar !
Non, blague à part, après avoir quémandé l’hospitalité chez les pompiers, je suis tombé sur leur recommandation sur la tenancière de l’aire pour mobil home, qui était bien ennuyée de pouvoir m’accepter sous peine de perdre sa licence. Mais qu’à cela ne tienne, elle a cherché avec moi et m’a dégoté quelques solutions en dehors de la ville ou caché derrière le Lidl voisin. Elle m’a même autorisé à revenir près d’elle pour prendre une douche et recharger mon gsm. L’hospitalité portugaise, même si elle a ses limites, démontre ainsi sa réalité légendaire.
Il me reste maintenant à choisir : derrière le Lidl à la belle étoile, ou dans un parc à 4km de la ville mais en avance sur l’étape de demain.
J 2 : Vale do Bispo – Carapateira :
Ce fut finalement au Parque de Merendas que j’ai « posé mes valises ».
Mais ce fut malheureusement à la nuit tombante et sous une fine pluie que j’y suis arrivé. Et c’est donc dans le noir, à la lueur de ma frontale et au pas de course que j’ai sorti tout mon barda et monté ma tente en hâte.
Quant à ce matin… J’avais deux idées : soit rallier Carapateira, sans stress avec l’avance d’hier soir pour arriver à mon lieu de villégiature, soit directement aller jusque Arrifana, court-circuitant ainsi une étape, avec un logement assuré à l’auberge de jeunesse.
Mais ça, c’était la théorie : fort de l’Ecovia suivie hier sans aucun plaisir, j’étais persuadé à mon plus grand désarroi que ça serait également la suite de mon trajet de ce jour… sauf qu’après 3 kilomètres et demi, je me suis rendu compte que je faisais fausse route. Dans le cul Lulu, pour l’avance d’hier ! Je n’ai donc eu d’autre choix que de revenir sur mes pas, et au regard du temps perdu, obligé de m’arrêter à Carapateira au risque d’arriver à 20h à Arrifana, alors que j’a des lessives à faire !
Un beau parcours aujourd’hui. Pas très très beau, mais beau, oui, si je fais abstraction des quelques passages toujours trop longs sur des voies carrossables aménagées en empierrement. Pour le reste, quelques vues sur l’océan, un passage par la plage (volontaire : le Chemin passait par la colline, mais c’est un choix…), de rares rencontres, jamais dans mon sens, puisque le Trilho dos Pescadores s’emprunte normalement du nord au sud, et pas de francophones.
Par contre, un parcours assez physique, avec deux « plongées » vers les plages par des pentes vertigineuses, suivi tout aussi tôt de montées tout aussi raides. On m’avait bien prévenu que ce Chemin n’était pas de tout repos, me voilà maintenant confronté à la dure réalité.
Quant au logement de ce soir, c’est à l’office du tourisme que le jeune préposé, qui ne semblait pas avoir « tous ses chourros dans le même sachet », m’a dégoté une vieille dame qui a accepté de me loger à bon compte dans une maison inoccupée.
Me voilà donc tuant le temps en attendant l’heure du repas, qui se limitera ce jour à une boite de conserve réchauffée au micro-ondes.
J 3 : Carapateira – Arrifana
Très bien dormi dans mon petit nid douillet.
Levé à 7h afin de prendre le temps d’un petit café avec les quelques Doo-wap à la mode espagnole acheté hier à la superette, et de boucler sac sans trop me presser puisque je devais rendre les clefs pour 8h.
Pour autant que la dame soit à l’heure, puisqu’elle n’est finalement arrivée qu’à 8h30.
Mais bon, pas grave, vu que je n’ai que « 19km » à parcourir aujourd’hui.
Avec un début plus que prometteur : à peine quitté le village, je m’engage dans des dunes quasi sauvages qui vont déboucher sur une immense plage aux allures de Sahara.
Plage que je ne quitterai que prêt d’un km plus loin pour remonter dans les dunes et zigzaguer dans des paysages ravagés par les incendies. Et malgré le vent soutenu et les embruns, l’air est empreint d’une odeur de suie tenace. Les rares flaques d’eau asséchée sont d’un noir intense. Plus aucune vie, plus aucun insecte, encore moins d’oiseau. C’était début août, et pourtant… Ci et là, déjà, quelques pousses vertes ressurgissent, quelques fourmis en rangs serrés recolonisent peu à peu l’espace, et gageons que dans quelques temps, tout ne sera que renouveau.
Mais les pompiers ont bien œuvrés. Quelques kilomètres plus loin, une ligne de front tout aussi net qu’un trait de crayon fait place à la végétation épargnée. Et j’ai été sidéré d’abord par le parfum des pins tranchant avec l’odeur du feu, ensuite par le bruit de l’océan tellement atténué. Là où ça n’était que brouhaha, c’est maintenant un doux roulement feutré.
Côté pratique, la progression n’est pas toujours évidente dans le sable mou. Non seulement je n’avance pas vite, mais je sens bien les genoux et les chevilles qui trinquent.
Ça, c’était pour le premier tiers du trajet.
Pour le reste, je rejoins à nouveau de longs sentiers empierrés et poussiéreux. Je retrouve parfois quelques forêts d’eucalyptus, qui me rappellent inexorablement mes derniers kilomètres en Galice lors de mes précédentes entrées à Santiago.
J’avais eu idée de regrouper deux étapes et de prolonger jusque Aljezur. Mais encore une fois, le relief associé à mes pieds fatigués m’auront fait entendre raison.
Je suis aujourd’hui à l’auberge de jeunesse de Arrifana. Relativement moderne et bien équipée, à prix modéré, mais avec une cuisine qui ne permet pas vraiment de préparer sa tambouille… et le premier magasin à 30 minutes de marche ! Et donc, commercialement parlant, ils s’y retrouvent bien, entre le bar et ses bières fraiches d’une part, et le resto-snack d’autre part !
Et me voilà donc à 15h, déjà propre comme un sou neuf, lessive faite un peu à l’arrache sous la douche faute d’équipement ad hoc, attablé en terrasse avec une vue magnifique sur l’océan scintillant sous le soleil…
Un petit nacho et une grande bière, ce qui dans ce sens aura eu le mérite de faire rire le tenancier, j’ai tout le loisir de « chiller » comme disent les jeunes !
J 4 : Arrifana – Aljezur
Soirée calme à l’auberge d’Arrifana. Puisqu’obligé de consommer sur place, je me suis contenté d’un hamburger/frites, soit dit en passant très bon, et d’une grande bière. Enfin, à ça, il faut ajouter les 2 de l’après-midi, mais qui font office de médicament !
Concert d’un groupe de beatniks portugais en prime. Des rastas jusqu’aux fesses et des rythmes reggae.
Et pour la chambrée, je la partage avec deux jeunes italiennes arrivées sur le tard, sympa mais plutôt timides et en binôme, donc pas forcément enclines au dialogue…D’autant que le 4ème convive est un Suisse allemand plutôt étrange. Je pensais au départ que j’avais du mal à suivre ses propos parce qu’il ne maitrisait pas le français, mais non. Quand je lui ai proposé de passer à l’anglais, c’était cô pè ! Entre affabulation, mythomanie ou délire, il n’avait aucune cohérence dans ses propos, des attitudes et des expressions d’un gars sous influence, et aucune cohérence dans ses propos. Pour tout vous dire, quand les deux jeunes italiennes sont arrivées, il les a d’emblée comparées à une peinture de Michel Ange ! C’est vous dire.
Parcours de nouveau en deux teintes aujourd’hui, je commence à en avoir l’habitude. Première partie de toute beauté, de nouveau à travers des dunes envahies de pinèdes et de buissons, ou ressemblant parfois à un maquis, suivi d’un long trajet toujours à travers dunes mais en surplomb d’une magnifique plage sauvage. La seconde teinte est encore une fois constituée de sentiers carrossables, puis d’une route interminable et relativement passante pendant les 5 derniers kilomètres.
Me voilà aujourd’hui à Aljezur, où je craignais pourtant ne pas avoir de place. Hier soir en checkant, il restait 3 lits à l’auberge, mais comme à mon habitude, je ne réserve pas, attendant toujours de voir si je ne prolongerais pas l’étape, ou si au contraire, je m’arrêterais prématurément.
Sauf qu’aujourd’hui en cours de parcours, lorsque j’ai finalement voulu réserver, c’était complet.
Il me restait néanmoins l’alternative du camping, mais à 4km et décentré du chemin, c’est-à-dire que j’aurai dû les refaire demain dans l’autre sens « pour rien ».
Et donc, pour la petite histoire, en arrivant à Aljezur, premier bâtiment que je rencontre, une petite église, et contre toute attente, pour la première fois, ouverte.
J’y rentre donc pour visiter, m’y rafraichir et me reposer un peu… Et puis tant qu’à faire, j’intercède un peu auprès de quelques saints que je connais, on ne sait jamais !
Puis chemin faisant (Pan ! Pan !), je m’arrête au premier bar, histoire de commander en priorité « una grande cerveja » et accessoirement un pain toasté jambon/fromage/tomate/origan (un classique au Portugal, mais mon premier depuis que je suis ici). Puis à tout hasard, tout en dégustant mon pis-aller de croque-monsieur, je re-checke les logements dispos sur place : le croirez-vous, à 50 mètres du bar, un désistement ! Aaaaaalléluia !
Ainsi donc, non seulement j’évite 4km A/R, mais en plus, je suis agréablement posé dans une albergue très conviviale, avec un réceptionniste guinéen qui parle français et tout le confort minimal qu’un pèlerin puisse « exiger » (douche, wc, lit, prise). Avec en sus, bière à 1euro50 et cuisine toute équipée.
Je partage aujourd’hui la chambrée, entre autre mais je n’ai pas retenu leurs prénoms et leurs provenances, Justin, pays de Galles, la petite soixantaine, premier randonneur que j’aie croisé depuis mon départ et qui marche comme moi du Sud au Nord… Enfin… Qui m’ait croisé, car il a fait en 3 jours plus que moi en 4 ! Et Francesca, jeune tchèque de 25 ans, déjà aperçue hier à Arrifana, mais sans savoir qu’elle remontait également comme moi, qui voyage seule pour s’ouvrir aux autres et s’offrir quelques semaines de liberté avant de commencer à travailler.
Pour moi, ce soir, ça sera pâtes aux sardines, sans fioriture ! Et exceptionnellement fruit en dessert, moi qui n’en mange jamais, une envie subite au moment de faire les courses. Budget oblige, parce que hier, je l’ai un peu explosé !
Il est à l’instant 17h40. Les soirées sont parfois un peu longues et on va rarement dormir très tard. Je vais d’ores-et-déjà aller mettre chauffer l’eau… Bon appétit et à demain pour la suite 😉
J 5 : Aljezur – Odexeice
Réveil en douceur ce matin. Je suis étonné, par rapport aux Chemins, des réveils plutôt tardifs.
D’hab’, dès parfois 4 ou 5h, les premiers s’agitent. Ici, à 7h, c’est tout juste si je ne suis pas le premier à ouvrir un oeil. Et encore, je n’ose pas trop faire de bruit. Je m’extirpe donc doucement de ma couette (parce que oui, ça aussi, je ne suis pas habitué : on a couette et essuie de bain à disposition), je vais sur la pointe des pieds jusque la cuisine pour déjeuner, puis seulement quand je reviens dans la chambre, quelques-uns sont enfin occupés à s’agiter !
Et c’est donc dans un silence presque monacal qu’o boucle nos sacs pour ne pas top déranger celles et ceux qui sont encore au pieu !
Départ tranquille donc, sous un ciel extrêmement chargé. Tellement que pendant que je déjeunais, une fine bruine tombait déjà. Mais je suis plutôt confiant, on est en bord de mer, ça peut vite se dégager.
Je laisse Francesca et Justin à leurs occupations. Elle, je ne sais pas ce qu’elle fait à trainer ainsi. Lui, il me confiera que tous les matins, il doit se connecter pour travailler, sans autre précision sur son job, mais à son allure, je le soupçonne dans l’informatique ou la finance. Mais quoiqu’il en soit, je sais qu’il me rattrapera.
Départ de Aljezur au sec, finalement. Première côte plutôt raide avant de rejoindre le plateau, et, je ne le savais pas encore, quasi 12 kilomètres d’un trajet plutôt ennuyant, en alternance de larges sentiers et de routes asphaltées.
Pour l’anecdote, j’ai voulu visiter une vieille maison abandonnée. Qu’elle ne fut pas la peur de ma vie quand je suis tombé sur une espèce de sdf, qui aura en réalité eu tout aussi peur que moi. Il se trouve en fait que pas sdf du tout. Je ne saurai jamais ce qu’il faisait là, probablement occupé à satisfaire un besoin naturel, mais j’ai marché quelques centaines de mètres en sa compagnie, et il s’est avéré très érudit et maitrisant parfaitement l’anglais. Ancien ouvrier dans le bâtiment, il souffre aujourd’hui d’arthrose, et il doit quotidiennement marcher pour entretenir ses articulations. Et je l’ai donc surpris lors de sa balade matinale entre la maison abandonnée et sa maison, pour le reste plutôt cossue.
Suite de la journée avec la traversée de la petite ville de Rogil, si petite soit-elle avec pourtant tout ce qu’il faut, puis longue route avant d’enfin rejoindre l’océan pour un bref passage à travers dunes. Bref, puisqu’il fut à peine 1km avant de rejoindre à nouveau la route, et de traverser des plantations de ce que je pense être des avocats.
La suite de la journée sera enfin constitué de dunes en crête de falaises avec quelques vues magnifiques, la plage de Odexeice do Mar d’où les quelques rares touristes cachés derrière les vitrines de restaurants ont du se demander ce que je foutais sous la pluie, puis une dernière ligne non pas droite mais longeant les méandres de la rivière, sous le déluge, avant d’arriver enfin à Odexeice.
Sauf que là, problemas ! Merci la technologie : j’avais réservé hier via Booking, mais pas de réseau, ici ! Impossible donc ni de me connecter pour retrouver l’adresse, encore moins de chercher cette adresse avec Google Maps, et dans ces conditions, n’espère même pas contacter le proprio. Et donc comme unique refuge, afin de reprendre un peu mes esprits et me mettre au sec, je me réfugie dans l’église.
C’est là que j’ai rencontré deux mamys occupées à déblatérer quelques fidèles. En me voyant arriver, c’était comme si le Messie leur apparaissait. Enfin, pas vraiment un Messie qui aurait marché sur l’eau, vu que je dégoulinais de partout ! Quoiqu’il en soit, à force de gestes et de sourires, grâce aussi au peu de réseau que je captais là-haut et à mon traducteur en ligne, elles m’ont indiqué le chemin. Il fallait les voir, comme des enfants, devant mon téléphone qui parlait portugais ! Et quand en plus, après les avoir remerciées, je leur ai expliqué que ce soir, elles allaient pouvoir raconter à leurs amies qu’elles avaient rencontré un roi mage, elles étaient aux anges !
Logement agréable et fonctionnel, sans plus. Pas d’accueil, pas de résident, digicode à l’entrée, et tout à disposition. Je suis seul dans mon dortoir « homme ». Deux femmes partagent l’autre dortoir : une adepte de yoga un peu bohème et pas très nette qui est ici pour quelques jours, et une Allemande qui marche comme moi mais dans l’autre sens…
J 6 : Odexeice do Mar – Zambujera do Mar
Une ambiance un peu étrange, hier, à l’auberge d’Odexeice. Entre la beatnik yogi qui préfère rester dans sa bulle et l’allemande qui n’a quasi pas quitter sa chambre… Ben j’ai fait ma petite vie.
Lors de mes petites courses ravito, je suis tombé sur un local tout heureux de pouvoir parler français, qu’il avait appris à l’école, « comme tous les anciens », m’a-t-il confié. « Avant, nous, les vieux, on était obligé d’apprendre le français à l’école, parce qu’il n’y avait pas de travail, ici, et on partait en France. Maintenant, les jeunes, ils préfèrent apprendre l’anglais ».
Et donc, cet ancien, comme il se définit lui-même, m’a clairement conseillé de gouter une espèce de chorizo portugais, ainsi que la morcela séchée, une sorte de saucisse sèche au sang de boeuf. Enfin bref, vous me connaissez, je me suis laissé tenter ! Avec une ‘tite bière, ou deux, ou trois, en guise d’apéro, ça devrait bien passer. Et de fait, un délice !
Côté repas, je suis resté sur un classique, d’autant que la cuisine n’était finalement pas si bien équipée que ça. Pâtes-sardines au piment.
Sinon, aujourd’hui ? Une journée toute en beauté, réellement en contraste avec celle d’hier.
Si j’excepte les 4 premiers kilomètres de route qui m’auront fait remonter la rivière déjà suivie hier par l’autre rive, j’en ai pris plein la vue toute la journée, avec un sus un soleil resplendissant sans être trop présent et quasi pas de vent. Un parcours tout en dunes et en falaises, passant d’une crique à une autre, entrecoupées de plages. Un trajet qui alternait entre sable dur et sable mou, entre basse végétation et tunnels végétaux, quelques sacrées descentes, mais sans trop, et de remontées idem. Et à mi-parcours, passage par Azunha do Mar, petit village de pêcheurs à l’histoire récente, puisqu’il ne date que de 1960 et s’est développé initialement pour la récolte des algues. Mais peu importe son histoire, l’important dans la mienne, c’est qu’il n’y avait qu’un seul bar extrêmement bien situé puisque chacun s’y arrêtait. Je n’allais donc pas faire exception à la règle…
Côté mauvaise nouvelle, Wilson 2 montre des signes de faiblesse au niveau de sa seconde jonction. Probablement un peu trop sollicités, je ne vais pas lui en vouloir, mais j’ai dû trouver une solution qui ne devrait pas lui plaire et nuit gravement à son apparence : refixer le filet de la vis de montage à la superglue, et renforcer le tout avec une emplâtre en papier collant transparent.
Au camping de Zambujeira pour la nuit. J’avais presque l’impression d’entrer au camping Paradis J’y suis arrivé vers 16h, tranquille, largement de quoi avoir le temps de profiter une peu du jacuzzi et de la piscine. Pas de dortoirs, comme c’est parfois le cas. Je suis donc sous tente, et les emplacements ne sont pas top-top, rien n’est vraiment plat et les pluies de la veille ont sérieusement raviné le terrain. Et pas donnés, en plus ! Sans compter que je suis « obligé » de passer par la case resto.
J 7 : Zambujera do Mar – Almograve
Petite surprise, hier soir, en revenant du bar-restaurant du camping. Alors que j’étais bien tranquille dans « mon p’tit carré campeurs », avec pour unique voisin un couple de suédois en vadrouille pour 9 mois, voilà ti pas qu’une famille portugaise complète s’est installée à à peine 5m de moi, avec une tente gonflable Ikea et toute la smala. Et vas-y que je pompe toutes les 5 minutes, et vas-y que je gueule pour la préparation du repas, et ça rie, et ça parle, et ça chahute et ça crapahute un peu partout. Alors que Bibi est tranquille dans son minuscule Home Sweet Home et essaye de trouver le sommeil.
Je me suis pourtant juré d’une part de ne pas râler un bon coup, et d’autre part de ne pas regarder l’heure, histoire de ne pas m’énerver encore plus ! Tant et si bien qu’apparemment, je me suis réellement endormi, puisqu’à un moment donné, n’entendant plus de bruit et quand même curieux de savoir combien de temps j’avais sombré dans le sommeil, il était… déjà 6h15 ! Un peu tôt pour commencer à faire du bruit, j’attendrai patiemment jusque 7h15, quand j’ai entendu les premières voitures passer.
Le seul truc chiant, quand on dort sous tente, c’est de devoir tout replier le lendemain matin. Parce que ne nous leurrons pas : si tout doit rentrer dans un « 35 litres », chaque chose à sa place. Et pour que chaque chose trouve sa place, il faut obligatoirement tout vider et tout rempaqueter…
Déjeuner et toilette terminée, il est finalement 9h quand je quitte le pseudo Camping Paradis.
(Note : monsieur avec son chat en laisse)
Pour un début qui semblait plutôt prometteur avec un bref passage par les dunes et quelques belles vues. Sauf que ça n’était que pour rejoindre une nouvelle route toute propre et toute droite sur 4km. Route tout au long de laquelle j’ai croisé une foultitude d’asiatique, plutôt genre indien, indonésien. Bizarre. Jusqu’à ce que j’arrive à l’entrée d’une vaste plantation type pépinière et un écriteau à l’entrée indiquant qu’il n’y avait pas de travail aujourd’hui. Mystère résolu : ils faisaient tous le trajet dans l’espoir d’un job journalier !
Après ce long tronçon laborieux, retour des dunes, par un long sentier très beau, oscillant entre dune à proprement parler, jeunes arbres ou roche dégagée lorsqu’on s’approchait de criques et de plages. Mais rien de transcendant puisque la plupart du temps à au moins une centaine de mètre des crètes.
J’ai été dépassé aujourd’hui par un groupe d’une petite dizaine de jeunes ados boutonneux, gsm et musique à fond. A peine bonjour, et encore, pas tous, qu’ils auront vite fait de disparaitre de mon horizon.
Puis passage par le village de Cavaleiro et son petit bar à l’ambiance toute portugaise : une assemblée de « vieux » qui vocifèrent quand tu arrives et qui se taisent en te dévisageant de la tête au pied quand tu rentres. Puis tu commandes ta bière, tu vas te foutre en terrasse, et les conversations reprennent là où elles s’étaient arrêtées.
Dernier tronçon de 9km par des dunes de sable mou, mais enfin en contact permanent avec l’océan, que je ne quitterai qu’une fois arrivé à hauteur de Almograve. Virage à 90°, je m’enfonce dans les terres pour un peu plus de 500 mètres, traverser le village et trouver l’auberge dans laquelle j’avais réservé la veille.
Surprise à mon arrivée, je retrouve Justin et Francesca que j’avais rencontrés à Aljezur. Ainsi donc, Justin a beau marcher d’un bon pas, il ne va pas forcément plus vite que moi. Il m’a donc expliqué qu’il avait bien avancé les 3 premiers jours parce que ceux-ci n’étaient pas prévu au programme, mais que maintenant, il se remettait dans les pas de tout un chacun. Il était donc hier aussi à Zambujera, mais à l’hôtel, et se retrouve aujourd’hui avec moi…
J 8 : Almograve – Vila Nova de Milfontes
Déjeuner inclus à l’auberge, j’en profite pour m’empiffrer et faire le plein de légume : pain toasté fromage-jambon avec tomates et concombre, grand café et généreuse part de cake fait maison. Je suis paré pour affronter les 15km qui me séparent de Vila Nova : oui, petite étape aujourd’hui.
On quitte rapidement Almograve par un sentier qui longe la station d’épuration. Présenté comme ça, ça ne donne pas trop envie, mais en vrai, il est plutôt bucolique, ce petit sentier ensablé bordé de roseaux. Qui va en outre m’amener à une petite plage toute mignonne avec un petit étang d’eau douce reflétant le ciel bleu telle une oasis au milieu du sable blanc.
Et alors que je cherchais à travers les rochers comment quitter cet endroit paradisiaque, voilà un joggeur sorti de nulle part qui me demande son chemin. Manuel, espagnol expatrié depuis 10 ans, qui s’entraine pour l’ultratrail du week-end prochain. « A tout à l’heure », me lance-t-il en anglais, « je fais l’aller-retour, on se reverra ». Me voilà averti !
Beaucoup de sable, aujourd’hui. Un trajet fort semblable à celui d’hier, un sentier qui cherche son chemin entre les dunes, qui longe tout d’abord la crête de la falaise, mais qui va rapidement s’enfoncer dans une végétation tellement dense que j’avais parfois du mal à m’y faufiler. Si je ne retrouvais pas régulièrement les petits poteaux vert et bleu, j’aurai même pu croire que je m’étais perdu. Le sac qui s’accroche dans les branchages, le chapeau qui manque de tomber à terre à plusieurs reprises, quelques passages à gué d’écoulements résiduelles des pluies d’il y a 2 jours, et même parfois contraint de mettre genoux à terre pour m’abaisser suffisamment et passer sous des branches envahissantes. C’était épique !
A un point tel que les 15km me parurent bien long et que j’avais hâte d’arriver. D’autant que le soleil est revenu en force et que la chaleur devient accablante !
Ceci dit, j’aurais pu encore le raccourcir de 4km si j’avais opté pour la solution « bateau » qui me permettait de traverser la Mira. Mais non, j’ai préféré poursuivre à pied et passer par le viaduc qui enjambe le fleuve. Pas des plus agréable, mais avec en compensation une magnifique vue sur son embouchure avec l’océan.
Je suis ce soir à l’auberge Pirata. Un peu particulier : il s’agit en fait d’une maison privée en deux parties : les hôtes vivent dans leur maison à l’arrière d’une petite cour, et la maison à rue a été transformée en dortoirs. Et Pirata… C’est le nom du chien ! 🤣🤣🤣
Et pour tout vous dire, c’est un échange de bons procédés avec mon ami Justin : j’avais trouvé pour moi un petit appartement avec deux lits simples. Lui, de son côté avait donc réservé à l’auberge Pirata. Mais il se trouve qu’un de ses amis est venu le rejoindre fortuitement hier soir, et que donc, il cherchait également un logement pour aujourd’hui. Ni une, ne deux, nous avons simplement switché : je reprends la place seul en auberge, tandis que Justin et Jorgen se partageront l’appart’
J 9 : Vila Nova de Milfontes – Porto Covo
Départ matinal aujourd’hui : levé à 7h, déjeuner en compagnie d’un couple de polonais et un autre d’italiens. Eux poursuivant vers le sud, moi, remontant vers le nord. Mais ils m’avaient justement prévenu hier que le trajet serait un peu compliqué, avec beaucoup de sable mou et quelques beaux dénivelés. Et c’est donc en connaissance de cause que j’ai préféré prendre les devants et partir tôt !
Longue déambulation dans les rues pour quitter Vila Nova, puis long trajet sur une piste de terre battue très sale et poussiéreuse. Certes cela me permettait d’avancer sans les difficultés annoncées, mais ce n’était pas très fun. Jusqu’à ce que j’arrive au petit port de Pontas das Barcas. Rien d’autre qu’un petit port de pêche et, paradoxalement, un bar branché, mais c’est là que les festivités commencèrent.
De ce point, un trajet tout en océan, à frôler, parfois dangereusement des falaises presqu’à pic et des éboulis. Un seul mot : magnifique ! Des vagues énormes qui se referment sur elles-mêmes en rouleau avant de venir s’écraser sur les rochers dans un vacarme assourdissants, des rochers acérés comme des lames de couteaux, des falaises creusées par le vent et le va-et-vient incessant de l’océan, des pêcheurs qui jouent presque avec la mort en s’approchant au plus près du bord. Je ne me suis pas souvent ni longtemps éloigné du bord, et rarement suffisamment loin pour ne plus entendre ce roulis permanent. Je suis parfois resté planté de longues minutes, fasciné, presque hypnotisé par la puissance des vagues et l’écume qui tourbillonnait sans cesse.
Les derniers kilomètres, tout en restant aussi beaux, furent un peu plus pénible. La fatigue aidant, les pieds endoloris par tant d’efforts dans le sable mou, et finir par la traversée d’une longue plage, de quelques beaux dénivelés, et d’un véritable zig-zag dont je ne voyais pas la fin. Une fin de parcours entachée par quelques dizaines de mètres complètement encombrés par la végétation au point de devoir retirer mon sac pour pouvoir passer, et un soleil qui flirtait avec les 30 degrés, je vous avoue que c’est avec un grand soulagement que j’ai poussé la porte de l’auberge…
Note : rencontré personne en particulier auj, mais par contre, croisé pas mal de monde dans l’autre sens, plus que d’habitude (et étonnamment, plus de femmes que d’hommes, et souvent des dames âgées)
J 10 : Day off (Porto Covo – Setubal)
Je vous explique…
On m’avait bien dit qu’entre Sines et Lisbonne, ça serait compliqué : pas ou peu de logement, beaucoup de route, pas de chemin balisé, etc.
Je pensais quand même que ça devrait aller. Avec les appli gps, il est maintenant tellement facile de programmer sa route, chercher un hôtel, une auberge de jeunesse, un camping.
Que nenni ! Deux jours que j’essaye d’anticiper. Sines, Santo André, Melides, Carvalhal. Que des petits bleds apparemment huppés où le moins cher des logements affichait 135€ la nuit (et ça pouvait monter jusque plus de 500 !).
J’étais donc confronté à un problème de conscience, moi qui, sur aucun autre de mes Chemins précédents, n’avait jamais court-circuité la moindre étape.
J’ai hésité, longtemps, j’ai cherché, beaucoup, pour finalement à contre cœur opter pour un plan B.
Ce matin je prends le bus pour Setubal, juste avant Lisbonne.
Et pourtant…
En arrivant hier à Porto Covo, j’ai discuté pendant 2h avec Nicolau, le proprio de l’auberge. Car fait du hasard ou signe du Chemin, j’ai non seulement vu hier mes premiers fléchages de St-Jacques, les premières flèches jaunes (tiens donc, ici aussi ?), ainsi qu’un énorme panneau informatif à l’entrée de la ville : « Bem-vindo aos caminhos de Saint-Jacques de Compostela ». De quoi me planter un couteau en plein cœur 😭😭😭
Deux heures à discuter, donc. D’autant qu’il me dit qu’une de ses amies possède une auberge à Sines non référencée sur aucune plateforme. Aaaargh.
Puis finalement, aucun regret : un coup de fil plus tard il m’apprend que l’auberge de son amie est complète, louée toute la semaine pour un mariage. Quant à la suite du Chemin, il reconnaît lui-même que ça fait à peine 2 ans que cette partie du Portugal s’inscrit dans les Caminos, qu’aucune structure n’est encore mise en place pour les pèlerins, et que de fait, ça m’aurait coûté un bras jusque Setubal.
Ma tente, me direz-vous ? Elle est là en solution de secours, en alternative ou le cas échéant pour pouvoir aller en camping, et je suis bien content de l’avoir sous la main « au cas où… ». Mais en aucun cas il n »a été dans l’idée qu’elle constitue mon logement principal. Trois ou quatre étapes QUE sous tente, avec la chaleur, les douleurs et la fatigue, sans pouvoir faire mes lessives, me reposer ou me nourrir « correctement », non merci ! Je ne fais pas Koh-Lanta, non plus 🤣🤣🤣
Alors voilà, c’est à contre cœur mais sans regret que je suis dans le bus, en route pour Setubal.
Day off, mais pour mieux répartir dès demain matin !
J 11 : Setubal – Quinta do Conde
A écrire
Beau parcours
3,5km de route encombrée
Montée vers le château
Traversée de Palmela
GR11, sentier des moulins
Ruines de Chibanes
Beau chemin, varié, bois, fossiles, glands,
Cochon poilu et chêvres
Perdu au milieu des champs
Rencontre avec les suisses et Albert
J 12 : Quinta do Conde – Almada
Chou, tu n’aurais pas aimé aujourd’hui ! Que de l’asphalte ou des trucs pourris…
Pourtant, ça avait plutôt bien commencé : à peine quelques centaines de mètres pour quitter Quinta do Condé que je suis déjà dans une lande de sable blanc agrémenté de pins aux grandes épines.
Mais ça n’était qu’apparence, parce qu’en vrai, cette immense friche servait surtout de dépôt clandestin de débris de toute sorte, avec en toile de fond un entrelacs de câbles haute-tension et le bruit de l’autoroute.
La suite ne fera que confirmer mes appréhensions. Ceci dit, à l’approche de Lisbonne, je ne me faisais pas trop d’illusion. A l’instar de toutes les grandes métropoles, les entrées et les sorties ne sont jamais folichonnes !
Après la friche, un sentier de 4km coincé entre l’autoroute et le chemin de fer, super ! Heureusement que c’est quand même un sentier relativement agréable, au relief varié et entouré de verdure.
Pour le reste ? Je ne vais pas vous inonder de photo aujourd’hui, il n’y avait rien de spécial à voir. Des routes qui se suivent, des zonings industriels, quelques rares sentiers pour parfois relier deux rues.
Seul un joli parc est venu un peu agrémenter la fin de la journée, mais avec 29° au thermomètre, une journée sur l’asphalte brûlante, ça tue un peu quand même !
A l’auberge de Almada. La plus grande que j’ai eu jusqu’à présent, mais de loin la moins équipée et avec des douches pourries. En compensation, une vue imprenable sur le pont du 25 avril : rien qu’au prix du m², cette vue et l’emplacement de cette auberge valent une fortune !
J 13 : Almada – Lisbonne
Petite journée aujourd’hui. Je vous explique dans les grandes lignes.
J’ai dû en fait composer avec plusieurs petits problèmes : d’abord un petit début d’ampoule bien mal placée à l’arrière du talon (vous savez, là où ça frotte quand on a des nouvelles chaussures) couplée avec en début de tendinite que je sens lentement arriver, probablement consécutive à trop d’asphalte. Ensuite, un découpage d’étapes que j’essaye d’ajuster au mieux en fonction des distances et des logements disponibles. Enfin, c’est un détail, mais d’une part une très mauvaise nuit, et d’autre part déjeuner inclus, donc comme j’avais déjà anticipé mon découpage d’étapes, j’ai un peu trainé avant de démarrer.
Enfin bref, aujourd’hui, 5 petits kilomètres jusqu’à l’embarcadère, puis 8 jusqu’à la cathédrale de Lisbonne, that’s all !
Jusqu’à l’embarcadère, donc, parce qu’il n’y a pas d’autre moyen de traverser le Tage. Enfin si, via le pont, en voiture, en bus ou en train, mais pas à pied. Donc en bateau, c’est plus fun, et surtout le moins cher. Le trajet n’est par contre pas des plus folichon, par les anciens quais du port de pêche désaffectés. Mais au final, pas si glauques.
10 minutes, c’est le temps que dure la traversée. Il fait chaud, ultra chaud, dans ces rues encombrées de gens et de véhicules. Et j’ai tellement mal aux pieds que je n’aspire qu’à retrouver la fraicheur de l’auberge qui n’ouvre qu’à… 15h !
Et je n’ai surtout aucune envie de faire du tourisme. Direction donc la cathédrale pour faire tamponner ma crédenciale. Puis posé dans un parc, j’attends…
Je n’en sortirai qu’en début de soirée, après une sacrée sieste, pour aller me chercher un petit machin à manger. Et découvrir une Lisbonne bien animée, quasi plus qu’en journée : nous sommes vendredi et mon auberge est a priori située en plein coeur du quartier festif. Heureusement que la clim fonctionne et que les fenêtres seront fermées !
J 14 : Lisbonne – Cascais
Contrairement à hier, c’est une longue journée qui m’attend. Pas forcément la plus difficile, parce que toute plate le long de la côte, mais la plus longue : 26km ! Et c’est beaucoup, pour moi…
Et a priori aujourd’hui, encore un fois, que du dur, puisque je sors d’une grande ville.
Quelques centaines de mètres me séparent des bords du Tage. Et la première moitié sera plutôt agréable. C’est un peu comme si j’avais suivi la digue à la côte, en fait. Bien que le matin soit plutôt calme, les taverniers s’affairent à ranger et nettoyer les affres de la veille, et les premières animations de la journée se mettent en place. Quelques oeuvres d’art agrémente également le parcours. A commencer bien entendu par la Tour de Belem et le Monument des Découvreurs.
La suite, sur quelques kilomètres bien trop longs, sera en partie moins agréable puisque sur un petit trottoir le long d’une Nationale fort fréquentée.
Et la fin, presque 10 bornes, bien que très chouette, trainera en longueur par ce qu’ils nomment le passage maritime : une piste cyclo-piétonne assimilable également à notre bonne vieille digue de la mer du Nord, qui passe de plage en plage, certaines minuscules, d’autres immenses, mais toutes ultra touristiques. Je serai même spectateur d’un show aérien que j’aurai eu le temps d’apprécier tout au long de ce parcours. Trajet qui fera finalement 29km ! Bien trop pour mes petits petons, même si l’ampoule et la tendinite semble se résorber. Et dire que demain, c’est 26 qui m’attend… Mais ça, c’est la théorie !
Note : rencontre avec Guido, allemand de 53 ans expatrié de Roermond, qui après avoir vécu 10 ans à New-York est venu s’installer au Portugal. Il se prend pour Jésus !
J 15 : Cascais – Praia Grande
Note : la casse-couille de la chambre, le bruit de la nuit, son gsm, le matin dans la salle commune
Etape encore un peu longue aujourd’hui, 26km. Je quitte Cascais aux petites heures afin de ne pas comme hier arriver trop tardivement à destination.
Je suis pourtant resté jusque 23h passé à la terrasse roof-top de l’auberge avec vue sur le port de plaisance et une partie de la ville. Cascais s’est en fait avéré une ville très festive et très bruyante. Population plutôt jeune, plutôt aisée, il semble que les bars rivalisent de décibels pour attirer la clientèle. Il en sera ainsi jusque 3h du matin, a priori heure du couvre-feu.
Longue étape qui signe mon départ définitif de Lisbonne et sa banlieue. C’est-à-dire que pour commencer, j’avais encore environ 10km sur une piste cyclable toute neuve avant de me lancer à nouveau à l’assaut des collines et des plages.
Et le Trilho do Areias, littéralement « le sentier des plages », porte bien son nom puisque je renoue aujourd’hui en partie avec les paysages que j’avais déjà connu sur le Pescadores. En partie, parce qu’aujourd’hui en tout cas, c’est le sable mou en moins, à l’exception d’une raide montée dans les dunes sur quelques centaines de mètres. Sinon, sentiers, plus ou moins larges, alternativement ou successivement à travers les collines, des forêts d’eucalyptus, en surplomb des plages ou à travers quelques buissons envahissants. Seul un bref passage, environ 2km quand même, se fera le long d’une nationale de montagne en lacet extrêmement fort fréquentée et sans accotements.
Dans un camping aujourd’hui. Enfin, dans ce que je pensais être au départ une auberge de surfeurs, mais en réalité une sorte de camping qui s’organise autour d’un complexe bar/restaurant/snack/mini-supermarché, et qui offre en annexe des blocs dortoirs pour les surfeurs et autres backpackers, un peu style camp de concentration 🤣🤣.
J 16 : Praia Grande – Ericeira
Une journée copiée sur celle d’hier, à ceci près que ce matin, le ciel était couvert.
Départ très matinal pour une journée que j’appréhendai dans sa longueur, sa chaleur, et trois gués à passer dont un obligatoirement à marée basse.
Quoique pour le premier, je ne devais plus me tracasser : pour rejoindre le camping, j’ai dû contourner par la ville et passer par un pont (le gué aurait été si j’étais passé par la plage).
Pour le second, il s’est avéré être un pipi de chat que j’ai enjambé en deux pas posés sur des pierres.
Avant de vous conter le troisième, revenons sur cette journée.
Copiée donc sur celle d’hier, avec toutefois un parcours qui passait en partie par l’intérieur des terres.
Mais un très beau parcours, très varié, d’abord par les falaises passant derrière les maisons qui longent la Nationale. Ensuite, comme je l’ai déjà signalé, en entrant dans les terres mais par des sentiers à travers champs ou des routes de campagne qui m’ont fait traverser des petits villages plutôt calmes.
Puis en dernier ressort, retour aux falaises, quelques jolis petits dénivelés, des sentiers parfois étroits, mais surtout parfois très ravinés, et de nouveau des vues incroyables sur des enfilements de plage à perte de vue sous un soleil qui aura finalement pointé le bout de son nez vers 11H.
La dernière partie fut un peu plus épique. Descente abrupte vers une plage. Traversée de celle-ci pour remonter ensuite vers un petit bar où j’en profite pour grignoter un bifanas (le plus mauvais que j’aie mangé jusqu’à présent !!) et me désaltérer d’une grande bière bien fraîche (s’emmerde pas, en bord de plage : 10 balles pour ça ! Alors que j’ai payé la moitié avant hier pour un délicieux bifanas et DEUX bières)
Du coup, je profite pour m’enquérir auprès de la serveuse pour mon troisième gué. « Ok », me dit-elle, « mais il vous reste à peine 2h avant la marée haute ». Et je devais encore d’une part engloutir ce qu’elle venait de m’apporter, et d’autre part, marcher une quarantaine de minutes pour rejoindre la fameuse plage.
Ce fut donc « Gloups, obrigado, ciaooo ! », et au pas de course… Pour finalement me rendre compte que j’avais largement le temps. Mieux, je pense que même à marée haute aujourd’hui, la mer n’aurait pas rejoint l’embouchure du fleuve qui venait mourir dans le sable.
Mais bon, pas grave, ça me fera ça arriver plus tôt à l’auberge.
Un truc encore une fois un peu bizarre. Officiellement pour surfeurs, mais en vrai, une populace hétéroclite de portugais, australien et péruvien (pour ceux que j’ai vu), certains surfeurs, d’autres en vacances, ou encore travailleurs dans la région.
J 17 : Ericeira – Santa Cruz
Journée un peu compliquée aujourd’hui, et cela ne risque pas de s’arranger pour les prochains jours. Je vous explique tout ça à la fin de ce billet 😉
Départ une fois de plus matinal face à la longue étape qui m’attend. C’est la quatrième d’affilée, et mes mauvais petits petons ne me disent pas merci ! Mais je leur fais confiance, ils en ont connu d’autres, et jusqu’à présent, ne m’ont jamais lâché !
Ceci dit, contre toute attente, le matin, ça va plutôt bien. Mieux en tout cas que lors des 3 précédents Chemins. C’est sur la longueur qu’ils flanchent, après une quinzaine de kilomètre les douleurs se réveillent.
Enfin bref, très beau début de journée puisqu’à la sortie d’Ericeira, non seulement je rejoints les falaises qui surplombent l’océan, mais également une plage où se déroule une compétition de surf. Du spectacle en perspective, que je regarderai plus d’une demi-heure, bousillant par la même occasion l’intérêt de m’être levé dès potron-minet !
Première partie très plaisante, avant de rejoindre quelques routes, quelques villages, quelques sentiers. Les journées se suivent et se ressemblent… Le ciel étant également assez couvert ce matin.
C’est la suite qui le sera moins, quand je devrais d’abord faire un détour de près de 2km pour contourner un sentier éboulé. Bon, je le savais, c’était noté dans mes notes : impraticable depuis les intempéries de 2013. Mais je m’étais convaincu que…. 2013.. Ca va, c’est bon, ils ont ragréé. Ben non…
Quand ensuite je devrai rejoindre une Nationale sans accotement et sans autre moyen que de marcher sur la chaussée. Je vous assure qu’à chaque virage gauche (pour moi, à contresens, puisque pour rappel, un randonneur doit toujours marcher dans le sens opposé au sens des véhicules pour voir venir le danger et éventuellement s’écarter), je jouais ma vie !
Ajouter à cela qu’un vent Nord/Nord-Est assez soutenu s’est levé, et marché avec le vent de front, c’est chiant et fatiguant.
Enfin, pour en venir à la parenthèse évoquée au début : ça devient compliqué !
Le Trilho das Areias n’est pas encore reconnu comme un Chemin de St-Jacques. Certains passionnés tentent depuis quelques années de le rendre officiel, en alternative au Caminho Central qui relie Lisbonne à Porto. Mais ce n’est pas encore gagné… Depuis Lisbonne, de ce que j’avais glané comme renseignements et contrairement à ce qui était annoncé, aucune marque, aucune indication, aucun accord avec les auberges de jeunesses ou les campings pour des tarifs pèlerins. Depuis le début, je compose donc avec le GR11 et la trace GPX qui est reprise sur Mapy.cz et VisoRando. Quand je dis que je compose, c’est que les deux ne se confondent pas toujours, et qu’en fonction du tracé (routes, sentiers, dunes, falaises, etc.), je choisissais l’un ou l’autre. Sauf que depuis aujourd’hui mi-parcours, je n’ai plus les trace GPX sur les applis ! Et le tracé GR11 n’est pas non plus toujours repris dans sa totalité. Donc j’y vais parfois au « vogelpik » comme on dit en Belgique. Et j’ai d’ailleurs aujourd’hui bien failli me perdre en marchant directement sur les filets de protection anti-chute d’une immense falaise quasi à pic, puis en franchissant quelques ravines bien pentues.. Ce qui s’est finalement avéré être le seul raccord entre la fin de mes tracés gpx et le prochain marquage GR11 !!
Enfin, pour terminer par rapport à St-Jacques, puisque pas encore « officiel », je me sens bien seul. Mes seuls colocs, quand j’en ai, sont soit des surfeurs, soit des travailleurs temporaires. Pas beaucoup de conversation possible et aucune amitié pèlerine en perspective avant Porto !
J 18 : Santa Cruz – Areia Branca
Journée un peu épique, aujourd’hui.
Mais en prologue, il faut que je vous reparle de l’auberge !
J’avais bien subodoré hier que nous n’étions pas très nombreux. Certes, l’auberge est immense, mais de là à ce que j’aie une chambre pour moi tout seul (et quelle chambre, revoyez les photo d’hier) et qu’aucun bruit de couloir ne vienne perturber ma nuit (bien que ça soit des portes coupe-feu et anti-bruit), c’était étrange…
Et ce matin, au déjeuner, j’ai appris qu’en réalité, j’étais tout seul ! Imaginez donc ma gêne, avec une réceptionniste et deux préposées au service, rien que pour moi, un grand réfectoire avec une seule table et un seul set avec une tasse de café, et le buffet dressé pour une personne : 3 petits pains, 3 tranches de jambon et 3 de fromage, 5 mini cakes, 4 sortes de confitures et autant de sortes de céréales, 2 yaourts, une grande carafe de jus d’orange et machine à café rien que pour moi !
J’étais tellement mal à l’aise que j’aurai bien été faire ma vaisselle moi-même ! 🤣🤣
J’avais vraiment l’impression d’être un VIP, ou plutôt, un dictateur de Corée du Nord avec tout le monde à son service qui lui fait la révérence quand il passe !
Départ plus que tardif ce matin, je me sentais presque obligé de goûter à tout ce qu’elles m’avaient préparé…
Pour un petit parcours, annoncé 18km, j’en ferai finalement 20 parce que journée un peu épique.
Je vous avais expliqué en détail hier les petits problèmes de parcours/balisage auxquels je dois m’adapter.
Ce fut le cas aujourd’hui : départ facile par le GR11 qui s’en allait dans les dunes sans jamais s’éloigner de la côte.
C’est par la suite que ça s’est un peu compliqué. Soit je continuais sur ma lancée et je rejoignais le tracé du parcours Eurovélo1 de la ligne atlantique, soit je traçais mon propre chemin à l’aide de mapy.cz, maps.me et Visorando (chacun ayant ses avantages et ses inconvénients).
Va pour l’aventure…
Et c’est ainsi qu’à deux reprises, une première fois, j’ai dû demander mon chemin à un agriculteur, et pour la seconde fois, le chemin proposé stoppait net au milieu des champs, mais heureusement à côté d’une maison d’où une dame est venue m’expliquer que patati, patata, je devais remonter 200m et prendre à gauche… Ah ouai, c’est ça ! Par un sentier tellement effacé dans les herbes et la végétation que je suis quasi certain qu’il n’avait plus été emprunté depuis la seconde guerre mondiale !
Mais bon, quelques centaines de mètres plus loin, tracés presqu’à la machette (non, j’exagère… quoique…), je suis effectivement retombé sur le bon sentier, qui se terminait en pente très abrupte (quasi cul à terre pour descendre) vers un parking.
Ce fut donc épique mais au final, chouette journée. Bon équilibre dunes/sentiers/routes de village, distance à taille humaine (du moins, à taille Lulu), pas trop chaud (22-24°), pas de vent. Je suis arrivé presque frais et dispo à l’étape !
Auberge un peu plus rustique que celle d’hier, mais je pense qu’après celle d’hier, je peux mourir, je ne trouverai pas mieux !
Un peu plus rustique dans le sens vieillotte, mais très bien quand même pour une auberge de jeunesse, avec surtout un emplacement à prix d’or : nez sur la plage avec terrasse on ne peut mieux placée pour admirer le coucher du soleil ! Il ne va d’ailleurs pas tarder…
J 19 : Areia Branca – Ferrel
C’eût pu être une belle journée aujourd’hui, si je n’avais dû faire un détour en raison de falaises instables…
Le trajet devait être relativement court, et côtoyer dunes et océan la plupart du temps. C’est d’ailleurs ainsi qu’il a démarré après avoir quitté l’auberge après le déjeuner à… 9H15.
Sympa les auberges de jeunesse au Portugal (du moins celles gérées par les municipalités). Elles sont toutes copiées sur le même système, toutes plus ou moins confortables ou vétustes suivant les moyens qu’ils y mettent, pas toujours super bien équipées, mais ça va, toujours un chouette accueil, une organisation quasi militaire… Dommage pour le déjeuner inclus qui n’est servi qu’à 8h30 ! Ça me fait à chaque fois démarrer tard 😭😭😭
Enfin bref, chouette début de journée par des dunes très rocailleuses avec pas mal de dénivelés et parfois un peu d’escalade.
Sauf qu’après quelques kilomètres, alors que je pensais continuer sur ma lancée, ça me paraissait un peu compromis. Et quand j’ai interrogé un promeneur (que j’ai franchement eu l’air d’emmerder) et qu’il m’a répondu : « Mmmmhhhh, it is very dangerous », je n’ai pas trop osé m’y aventurer.
Et donc du coup, plutôt que de tracer en ligne de crête, j’ai dû faire un détour, 5km (soit 3 de plus que si j’avais été tout droit), et que par la route ! 🤬🤬🤬
Pour le reste, ce fut plutôt plaisant : j’ai d’abord retrouvé les dunes, avant de traverser une petite station balnéaire quasi déserte, puis une immense plage à parcourir sur plus de 2km sur le sable mouillé. Un peu de route pour passer une petite zone portuaire bien flairante (au sens propre, ça sentait la charogne) puis une piste cyclable séparée de la grand-route. Enfin, de nouveau une immense plage quasi jusqu’à destination.
Un peu plus de monde aujourd’hui, tant sur le sable que dans les sentiers ou sur les pistes cyclables. Alors que hier je n’ai croisé âme qui vive, c’est fête nationale aujourd’hui, tout le monde ou presque a congé.
Bien installé ce soir chez une petite dame qui a transformé la maison de ses parents en dortoirs. C’est tout mignon, tout cosy, on se croirait presque à la maison. Elle était tellement contente de m’accueillir qu’elle a voulu me serrer dans ses bras pour me dire bonjour, avant de se raviser face à mon t-shirt suintant la transpiration 🤣🤣
J 20 : Ferrel – Foz do Arelho
Je vous avoue que j’appréhendais un peu cette journée.
Parce que si j’avais suivi la côte, elle s’annonçait affreusement longue : plus de 35km !
Et en coupant par l’intérieur des terres, certes je ramenais la distance à environ 25km, mais d’une part je n’étais plus sur un chemin côtier, et d’autre part, je ne savais pas de quoi ce chemin serait fait.
Cruelle dilemme ! J’ai retourné mes papiers et mes plans dans tous les sens, j’ai simulé je ne sais combien de parcours sur les appli, avec toujours l’incertitude qu’elles m’envoient dans des voies sans issues. Mais il fallait bien que je finisse par faire un choix. Et comme dirait l’autre, choisir, c’est renoncer !
C’est ce matin au réveil que je me suis finalement décidé : ça sera par l’intérieur des terres. Non seulement ça raccourcit grandement l’étape (35km était même presque inenvisageable pour moi !), mais en outre, ce n’est pas pour dire, mais ça changera un peu des falaises et des plages 🤣🤣
Et bien croyez-le ou non, j’ai passé une excellente journée !
Départ par les chemins à travers champs. C’est ainsi que j’ai pu constater que contre toute attente, la culture dominante ici, c’est… le chou ! Pas des grandes surfaces comme chez nous, mais des hectares et des hectares de petites exploitations de choux ! Mais pas que : j’ai vu aussi des pommes de terre et des haricots sabres. Qui l’eût cru dans ces pays secs et chauds ???
Ça, c’était pour la première partie de la matinée. S’en est suivi un parcours plus étonnant à travers une jolie forêt de pins, puis la traversée d’un village quasi uniquement consacré au golf. Même la circulation est limitée à 30 km/h, et on croise
des voiturettes de golf à tous les carrefours !
J’enchaîne avec d’interminables lignes droites dans des montagnes russes à travers des collines plantées de jeunes eucalyptus. Des milliers, que dis-je, des millions, à perte de vue, mais pas encore assez haut pour m’apporter la moindre ombre. Ce fut la seule partie un peu moins agréable de la journée.
Parce qu’après, pour toute l’après-midi, j’ai rejoint la lagune de Foz do Arelho que j’ai contourné sur une bonne moitié !
Un cadre enchanteur avec vue sur la lagune, sur des sentiers aussi plats que la poitrine de Jane Birkin ! Des oiseaux par centaines, pas un seul bruit de circulation, presque personne (J’ai croisé 7 vélos, 5 piétons, et une dizaine de cavaliers), que la nature dans toute sa splendeur !!
Moi qui appréhendais cette journée, elle figure dans le top 5 des plus belles depuis le début de ce Chemin.
Et pour couronner le tout, alors que jusqu’à présent je pouvais compter sur les doigts d’une main le nombre de personne m’ayant spontanément souhaité un « Bom Caminho », un jeune homme en voiture s’est expressément arrêté à ma hauteur pour en discuter.
Enfin voilà… Chouette journée !
Reste maintenant à anticiper les logements, car j’ai appris du tenancier aujourd’hui que les auberges fermaient peu à peu leurs portes. Eux-mêmes, par exemple, finissent cette semaine puis basta ! Nous ne sommes que 3 ce soir, pas assez rentable pour des auberges prives ! Même les campings, pour certains, sont déjà fermés !
Wait and see, la Providence est parfois de la partie 😉🙏
J 21 : Foz de Arelho – Sao Martinho do porto
Comment dire et par quoi commencer ?
Je vous ai déjà moult fois évoqué les difficultés à tracer ma voie.
Aujourd’hui, pourtant, cela semblait plus ou moins bien engagé : après quelques points repères sur l’appli, mapy.cz m’avait dégoté un parcours par les dunes et les falaises qui ne semblait pas trop mal, et surtout pas trop long jusqu’à l’étape.
Et c’est donc d’un pas confiant que j’ai quitté l’albergue, avec une jolie petite côte pour rejoindre la côte 🤣🤣
Me voilà profitant d’emblée d’un premier point de vue sur un parking-promontoire, prêt à m’engager dans les dunes…
Mwouai ! Ça, c’était la théorie. Dans la pratique, si les premiers kilomètres se sont plutôt bien passés, j’ai dû vite déchanter !
Mais où mapy va-t-il dégoter ses info ? C’est quoi ces sentiers ? Enfin, si on peut parler de sentiers quand on doit presque deviner à travers la végétation si effectivement sentier il y a, quand surtout il m’emmène sur des éboulis ou des ravines, sur des parois gréseuses en pente directe vers l’océan 15 ou 20m en contrebas ?
Après 3km, j’ai vite compris que si je voulais arriver dans les temps, si je voulais arriver vivant, si je voulais d’ailleurs y arriver tout court, il me fallait rapido trouver une échappatoire.
Pour finalement rejoindre la piste cyclable qui, par manque de chance aujourd’hui, allait suivre la route toute la journée.
Seuls les derniers kilomètres m’auront un peu réconforté, lorsque j’arriverai en vue des hautes dunes, de la baie et de la ville toute blinquante de Sao Martinho.
Une journée pas top, donc, en contraste totale avec celle d’hier. Mais comme je dis toujours : un Chemin se conçoit dans sa globalité. Les galères font partie du lot, il suffit de faire avec, ce n’est pas grave 😉🙏
Demain est un autre jour 👣👣👣
J 22 : Sao Martinho do Porto – Nazaré
J’ai rencontré hier soir mon premier pèlerin !
Il était presque 21h, alors que je finissais de vous écrire, lorsqu’un homme a débarqué sur la terrasse de l’auberge et s’est approché de moi en trainant la patte.
Il venait d’arriver, 35km sous 31° ! Il était fourbu, il a tiré la chaise en la trainant et s’est affalé dessus en me demandant dans un anglais machouillé : « You are the other pilgrim ? ». « Yes », répondis-je, « but why the other ? ».
« Because i am also a pilgrim. I walk from Lisboa, to Santiago. I am David, nice to meet you ».
Ben voilà, les présentations étaient faites, il ne nous restait plus qu’à faire plus ample connaissance, deviser sur nos déboires de la journée, celles des jours précédents, anticiper celles à venir, et se féliciter d’être ici et maintenant !
David est californien. J’avoue d’ailleurs qu’avec son accent je ne comprends qu’environ un tiers de ce qu’il me raconte, mais l’essentiel est là : c’est la troisième année consécutive qu’il vient marcher sur les Chemins de St-Jacques, d’abord deux fois en Espagne, puis cette fois-ci sur un Chemin qu’il aurait également cru plus facile. D’autant que dans la conversation, le bougre, il m’a avoué avoir déjà fait le PCT (Pacific Crest Trail, une rando de plus de 4200km de la frontière mexicaine à la frontière canadienne. Un des trails les plus difficiles des Etats-Unis. Pour celles et ceux qui veulent en savoir plus, je les invite à regarder le film Wild, une histoire vraie en plus !). Et est-ce qu’il ne me dit pas qu’il a plus difficile ici que sur le PCT ???
Mais passons plutôt au parcours du jour.
J’ai conclu hier en vous disant qu’un Chemin devait s’appréhender dans sa globalité. Preuve en est aujourd’hui.
Passons les 2 premiers kilomètres pour quitter l’auberge, il fallait bien passer par un peu de route. Mais j’ai ensuite bifurqué sur des sentiers qui menèrent tantôt à travers champs, tantôt dans des forêts de pins ou d’eucalyptus, avant de me ramener à l’océan.
Ce fut un peu compliqué par la suite, non pas que les sentiers furent moins beaux, mais j’ai longé les dunes « du mauvais côté » et en plein soleil, c’est-à-dire pas un pet de vent et pétant de chaud avec presque 30° !
Je dirai globalement 90% d’un parcours « nature », avec la traversée d’un petit village tout calme en ce dimanche. J’ai même entendu les chants s’échapper de la petite église, malheureusement sans charme intérieur.
Côté balisage, j’ai suivi tout un temps un double fléchage : le bleu vers Fatima, le jaune vers… Santiagooooooo !
Il n’est pas encore très présent, mais il est là, tout pâle et à peine visible, mais il est là et je l’ai suivi toute la matinée, avant de le perdre et de me référer à nouveau à mapy.cz qui m’aura aujourd’hui bien aidé à trouver de petits sentiers très agréables. Comme quoi… Un Chemin doit se prendre dans sa globalité 😉
A Nazaré, ce soir, considéré par beaucoup de passionnés blondinets et bronzés comme la Mecque du surf.
Nazaré est en effet mondialement connu des amateurs comme étant un des spots offrant en saison les plus belles et les grandes vagues du monde !
Sauf qu’apparemment, ce n’est pas la saison ! Je n’y ai vu que quelques malheureuses vaguelettes…
J 23 : Nazaré – Sao Pedro de Mol
Petite nuit au camping de Nazaré : mon coussin gonflable a eu la bonne idée de me lâcher (et j’ai eu beau essayé de le réparer, rien à faire, la rustine ne tenait pas !). J’ai donc dormi un peu à l’arrache, sur mes vêtements roulés en boule en guise d’oreiller !
Nazaré est une ville en bord de mer qui s’étend sur la colline voisine. La quitter est donc une gageure, par des routes un peu sinueuses et des escaliers. Ça monte et ça descend sans cesse.
Tout ça pour rejoindre une route quasi déserte à travers dunes, couplée à une piste cyclable que je vais devoir suivre toute la journée sur environ 15km. Tout ça sous le même cagnard qu’hier : 30°, pas un pet de vent, pas d’ombre !
Je n’ai donc ni vu grand-chose, ni grand-chose à vous raconter, si ce n’est ce brave toutou tout gentil qui, pendant presque 3km, a abandonné son maître 100m devant, pour marcher à mes côtés et m’attendre quand je trainais la patte.
Quasi pas vu l’océan de la journée, un seul village balnéaire traversé où tout était fermé, une seule plage, et des lignes droites si longues qu’elles se perdaient à l’horizon.
De nouveau au camping aujourd’hui. Parce que j’ai refait un peu le découpage des étapes (certaines plafonnaient à 35 bornes !! Impossible pour moi !!), et que finalement, sur beaucoup d’entre elles, c’était la solution qui s’imposait. Et franchement, ça me va…
J 24 : Sao Pedro de Mol – Pedrogao
Je pense avoir vécu aujourd’hui la pire journée que je n’ai jamais connu sur les Chemins de St-Jacques.
J’en ai pourtant déjà eu, des journées d’asphalte, des zoning industriels, des banlieues pourries, des entrées ou sorties de villes pas folichonnes, des dénivelés dans les deux sens, etc. etc.
Mais une parfaite ligne droite sur presque 20km, ça, on ne me l’avait jamais fait !
Je pense que même dans la Meseta, ils ne peuvent se vanter d’avoir ça !
Les 3 premiers kilomètres étaient plutôt agréables. Sortie du camping, traversée de la ville encore endormie, arrivée sur la petite plage de Sao Pedro, puis la grande, avant de serpenter vers les dunes pour rejoindre cette fameuse route du littoral.
Et c’était parti pour un ennui et une monotonie sans nom ! Plus de 4h à n’en pas voir la fin.
Ça n’est que quelques kilomètres avant l’arrivée, que j’ai frôlé la petite ville de Vieira sans jamais vraiment y entrer.
Heureusement que demain est annoncé plus bucolique, avec la traversée d’une forêt.
Au camping municipal ce soir. Bien « pourrite de chez pourrite », que des emplacements de merde, plein de sable, plein de pierres, et des douches dans lesquelles il doit y avoir plus de champignons que dans ma pizza d’avant-hier ! 🤣🤣
Mais bon, on en a vu d’autre, on survivra, comme à chaque fois. Et puis ça fait partie de l’aventure, on ne peut pas avoir tous les jours une auberge de jeunesse 5 étoiles pour soi tout seul !
J 25 : Pedrogao – Leirosa
J’ai coupé l’étape en deux aujourd’hui. Mon « guide », si on peut appeler ça un guide (quelques feuillets relatifs à ce Trilho das Areias, les seules que j’aie pu glaner sur internet) me faisait faire 35km, bien trop pour mes petits petons. J’ai donc fait halte aujourd’hui à Leirosa. Mais avant de vous décrire mon logement, parlons un peu du Chemin, si vous voulez bien 😉
Après avoir suivi la digue de bord de mer sur toute sa longueur (rassurez-vous, c’est une petite station balnéaire, à tout casser 800m), j’ai rapidement quitté la ville pour rejoindre ce qu’ils appellent l’Estrada Forestal, une route qui traverse de part en part une zone naturelle protégée.
Au départ route « normale », elle s’est vite transformée en une espèce de chemin schlamé (ndlr : goudron dans lequel on a « plaqué » des cailloux) tout cabossé, fait d’un empierrement grossier type ballast de chemin de fer.
Je la suivrai quasi toute la journée, si j’excepte un intermède de 3 ou 4km par la même route Atlantique d’hier pour faire la jonction entre deux tronçons de ce chemin forestier.
Et mis-à-part ce petit intermède, je ne verrai aujourd’hui absolument personne, pas un piéton, pas un vélo, encore moins de voiture !
Est-ce que ça m’a semblé long ? A dire vrai, pas du tout, et ces 24km sont même passés comme une fleur (bon, les derniers kilomètres dans des allées sableuses et poussiéreuses, c’était un peu moins agréable mais après ce que j’ai vécu ces deux derniers jours, je ne vais pas me plaindre !)
Parce que certes la majorité de la journée s’est encore passée sur « du dur », mais au milieu de la nature, dans une alternance de forêts de pins rachitiques, de paysages dunaires et de buissons, avec un peu d’ombre, beaucoup d’air, mais surtout dans un calme olympien et avec le chant des oiseaux en écho.
Je suis donc à Leirosa aujourd’hui, petit village de pêcheur que le tourisme de masse ne doit pas encore avoir atteint. Et pour preuve, j’ai eu la chance d’assister au retour de la pêche. Traditionnelle, s’il vous plait, au filet et avec une seule barque « à l’ancienne ».
Pas de chance aujourd’hui, le maquereau dominait, mais peu importe, c’était un véritable spectacle. D’énormes bacs remplis à raz bord, des trieurs et des trieuses à la dextérité parfaite, un ballet incessant de caisses qui se remplissaient à la vitesse grand V, et les chalands qui attendaient impatiemment la vente : 10€ la caisse !
Quant au logement, oserais-je vous dire que j’ai négocié une maison d’hôte ? « Misssiiiooo, siouplaaaiiiiiit, moi pèlerin, moi pas savoir où dormir ! Siouplaiiiiiit, Misssiouuuu »…
Enfin bref, 20 balles au lieu de 44, à condition que j’accepte que le ménage des locataires précédents ne soit pas fait (pour éviter le travail juste pour moi, quoi !).
J’ai un lit propre, une cuisine équipée, et même une baignoire : que demander de plus ?
J 26 : Leirosa – Figueira da Foz
Commencer la journée par 4km de Nationale en pleine heure de pointe, c’est pas la chose la plus fun que j’aie déjà faite dans ma vie !
Une courte étape un peu compliquée aujourd’hui. Courte, mais compliquée !
Déjà, départ à l’aube. Je pense que c’est la première fois que je pars et qu’il fait encore pénombre (7h15). Parce que l’unique pont sur la Mondego à Fugueira da Foz est en réfection et les DEUX trottoirs ont été condamnés pour la durée des travaux (remplacement des haubans). Et donc pour traverser le fleuve, l’unique moyen est de prendre un petit bateau électrique gratuit mis en place par la commune. Toutes les heures, jusque 12h30, puis interruption jusque 15h30. Et je ne voulais pas attendre, donc daï daï pour avoir au moins le dernier de la matinée !
Ensuite, comme je l’ai évoqué au début, 4km de Nationale en pleine heure de pointe, c’est chaud quand on est piéton et qu’il n’y a pas d’accotement. D’autant que la région est truffée d’usines et que les camions sont nombreux.
Petit détour pour souffler un peu par le village de Costa de Lavos, où j’assisterai à la préparation de la barque pour la pêche, mais sinon, hors saison, rien de spécial à y voir.
De là, je devais bifurquer en diagonal à travers dunes pour rejoindre à nouveau la Nationale. Sauf que le sentier n’existait plus 😭😭😭
Et que j’ai donc dû rejoindre la Grand’Route en ligne droite, et continuer sur ma lancée du matin pour environ 6km !
Heureusement que l’arrivée sur Gala, puis au quai d’embarquement, fut un peu plus calme, et que le bateau (j’ai finalement attrapé de justesse celui de 11h30) était une
parenthèse de calme et de sérénité après les tumultes de la matinée !
Pour l’anecdote, je me suis retrouvé sur le bateau avec une colonie de vacances d’une maison de repos : une vingtaine de pensionnaires, plus ou moins valides, plutôt moins que plus d’ailleurs, que j’ai aidé à embarquer avec leurs aides-soignantes un peu débordées par la tâche ! Il n’y avait d’ailleurs que nous sur le bateau : les aides-soignantes, les pensionnaires, le personnel naviguant et moi-même.
Arrivée prématurée sur Figueira, je n’ose pas déranger l’aubergiste. Je passerai presqu’une heure dans le marché couvert voisin de mon lieu de villégiature, puis tant qu’à faire, je me suis mis dans l’idée d’aller manger un bout. Un truc simple, genre sandwich. Sauf que sur mon chemin, je suis tombé sur une espèce de petit bui-bui minuscule, et ça résonnait tellement portugais jusque dans la rue que je me suis dit que là, ça ne devait être ni trop cher, ni trop dégueu 😉
« Tasca Maria », que vous aurez traduit facilement par « Chez Maria ». Une bonne portugaise typique qui sourit tout le temps et qui invective ses habitués comme s’ils étaient ses enfants, bien qu’ils aient pour la plupart le double de son âge !
J’ai d’ailleurs failli assister à un vol plané d’oeuf cru sur quelqu’un qui apparemment lui aurait un peu manqué de respect. Et ce fut aussi bon que simple et pas cher : une soupe d’épinard en entrée, suivi d’une escalope de dinde, d’un mélange chaud de carottes et de choux, et de frites maison coupées minute et directement plongées dans l’huile, meilleures que certaines déjà dégustées en Belgique !
Rassasié, il était l’heure de découvrir mon antre du jour. Et quel antre ! Je vous ai d’ailleurs mis quelques photos en annexe. Une maison de maître « style portugais », un hall d’entrée grand comme mon salon, un escalier en bois monumentale, des chambres et un séjour comme des salles de danse, 3 salles de bain, une cuisine, des plafonds qui culminent à 3m80 (j’ai mesuré et estimé avec Wils2, mon bâton). Et mon hôte de m’expliquer que la maison à 130 ans, qu’il s’agit d’une des demeures familiales construite par un de ses aïeux, son arrière-grand-père si j’ai bien compris, riche et puissant armateur, et que d’héritage en génération, il lui était revenu cette gigantesque demeure.
Enfin voilà, j’en profite un peu parce que les 3 jours à venir, sauf changement de plan, c’est camping et on annonce de la pluie !
J 27 : Figueira da Foz – Praia da Tocha
Départ matinal pour étape qui s’annonçait plutôt longue pour moi (25km), mais avec surtout plus de la moitié soit par les dunes, soit par la plage, suivant l’état du Chemin.
7h30, le jour se lève à peine. Je quitte Figueira dans le tohu-bohu des camions et des transpalettes qui alimentent le marché couvert. Juste le temps de faire une petite halte à la première « pastelleria » pour deux p’tits café, un sandwich jambon/fromage et… un pastel de nata ! 😜
Et c’est parti : je quitte la ville en suivant la promenade en bord de plage jusqu’à un embranchement auquel je suis obligé de passer par la colline. L’autre voie, qui continue à longer la mer, est en effet condamnée par une usine désaffectée dont le gardien empêche le passage !
Mais qu’à cela ne tienne, c’est une petite route très calme, un peu sinueuse et sans accotement, mais qui ne pose pas de réel problème en ce matin plutôt frais et couvert.
Cette route me mène directement à la plage de Quiaos, et c’est précisément là que les hostilités commencèrent !
Le début est très plaisant, par une longue passerelle, si longue qu’ils se sont presque sentis obligé d’installer des ronds-points piétons à chaque carrefour ! 🤣🤣
Mais cela n’augurait pas la suite de la journée…
J’avais le choix entre les dunes ou la plage, tout dépendait en réalité de l’état du sentier à travers dunes…
Mwouai, si ça semblait plutôt bien engagé, ça s’est vite gâté après quelques centaines de mètre ! Et je me voyais mal faire 13 bornes dans du sable mou…
Direction la plage, donc, persuadé de trouver une belle plage bien large, bien plate, avec du sable mouillé bien dur, à l’instar de celles sur lesquelles j’avais déjà parcouru plusieurs kilomètres la semaine passée.
Ah ouai, que neni ! Le sable mouillé était tellement en pente qu’il m’aurait fallu des jambes de dahu pour pouvoir y marcher sereinement. Impossible d’évoluer ainsi avec mes pieds qui glissaient à chaque pas !
Obligé de remonter dans une espèce de zone d’estran de marée haute, un sable qui n’est mouillé qu’occasionnellement, une zone tampon entre le sable mouillé et le sable sec si vous voulez. Pas vraiment mou, mais pas dur non plus, enfin bref, la merde quoi ! Pendant 13km ! Seul ! Car je n’ai croisé absolument rien ni personne, même pas une mouette ! Je vous prie de croire que j’ai bien dégusté…
Lorsque je suis enfin arrivé sur la passerelle en bois de Praia de Tocha, j’étais littéralement vidé, lessivé, avec des jambes en coton et des pieds en compote…
Mais bon, restons positif : j’ai eu un océan déchainé en toile de fond toute la journée, les embruns et le ressac.
Au camping ce soir, et alors que mon linge sèche et que je vous écris ce petit mot, la pluie qui m’avait épargnée toute la journée vient de se mettre à tomber à grosses gouttes. Je n’ai eu que le temps de courir (enfin, clopiner…) jusque ma tente pour mettre tout à l’abri… sur un fil dans le bloc sanitaire 🤣
Asteur, je suis au bar du camping, attendant que le resto ouvre ses portes : barbecue ce soir !
A demaiiiiin 😉
J 28 : Praia da Tocha – Praia da Vagueira
Par où commencer aujourd’hui ?
Peut-être par l’orage d’hier, tiens !
Tente Forclaz MT900 UT validée. Alors que je quittais le restaurant du camping, le ciel se zébrait d’éclairs et le tonnerre grondait au loin. J’espérais être épargné, mais non… Vers 23h, alors que je commençais à m’assoupir, c’est un véritable déluge qui s’est abattu sur le camping de Praia da Tocha.
Mais elle a tenu bon, la valeureuse, pas une seule infiltration ! Et ça n’est que ce matin que j’ai pu voir ce à quoi j’avais échappé en constatant les innombrables coulées de sables et de boues qui défiguraient les allées du camping. J’ai été bien inspiré de m’installer sur un petit promontoire près du bloc sanitaire 🙏🙏🙏
Petite étape aujourd’hui, et de prime abord facile, surtout comparée à celle d’hier. Mais je pense que par rapport à hier, toute étape me paraîtra désormais facile (nonobstant l’ennui de certaines quand je me tape 20km en ligne droite en plein soleil le long d’une route fort fréquentée).
D’autant plus facile que le temps reste couvert, sans pluie, même si je l’ai craint à un moment, et avec un petit vent frais.
Première grosse moitié par le chemin de service pour le suivi et l’entretien des éoliennes. C’est large, bien damé, relativement plat, facile.
Seconde petite moitié par une cyclo-route : une route où les voitures peuvent passer mais où les vélos ont la priorité.
De plus, malgré l’étape éreintante d’hier, j’étais particulièrement en forme ce matin : super bien dormi, aucune courbature, et surtout des pieds qui fonctionnaient à merveille.
Oui, mais voilà, tellement plat et facile, et tellement en forme qu’à 12h15, j’étais déjà à l’étape !
Cruelle dilemne, je me voyais mal arrêter ainsi si tôt et me faire chier comme un rat mort toute l’après-midi. Sauf que selon mes recherches, logement possible… 14km plus loin !
Et ça, ça faisait long. Mais en même temps, ça me permettait de faire une avance sur demain, de regrouper celle de demain avec une partie de celle d’après-demain, et au final de gagner une étape et ainsi économiser sur un logement… Vous suivez ?
Enfin bref, j’ai pris mon courage à deux mains. Pour 14km qui commencèrent plutôt bien avec le contournement de la petite lagune de Praia da Mira, mais qui s’éterniseront ensuite sur d’interminables routes et autres pistes cyclables. La fin sera un peu plus agréable, avec une route qui longeait l’embouchure du Rio d’Aveiro, petit fleuve tranquille aux allures également de lagune.
33km, je vous le dis tout de go, c’est trop ! Mes jambes étaient toutes congestionnées en arrivant et mes pieds, n’en parlons même pas. Mais bon, c’est fait…
En auberge ce soir, ça m’évitera la pluie de la nuit, annoncée dès 1h d matin. Par contre demain, je n’y échapperai sans doute pas ! Et pas d’autre solution que le camping demain…
Croisez les doigts avec moi 🤞🤞🤞
J 29 : Praia de Vagueira – Torreira
Je ne sais pas si finalement il a plu cette nuit. Toujours est-il que le ciel était très menaçant ! C’est donc prêt à dégainer poncho et parapluie que j’entame l’étape.
Mes pieds ne me disent pas merci pour hier, j’ai du mal ce matin. Il me faudra près de 3km avant que les douleurs s’estompent et qu’ils retrouvent leur mobilité. Mais étonnamment, alors que je n’ai finalement pas si bien dormi à l’auberge, je tiens la forme.
Que de l’asphalte aujourd’hui, et il va falloir à mon avis s’y faire pour les 3 ou 4 prochains jours : j’approche de la grande banlieue de Porto, et une fois que j’y serai, il faudra encore en sortir !
Que de l’asphalte, mais parcours pas désagréable du tout, si la pluie ne s’en était pas mêlée au pire moment.
Je quitte Tocha en suivant la piste cyclable qui borde la route longeant le canal de Mira. Toujours cet aspect de lagune, tellement que j’y croiserai même une horde de flamants… Pas tous roses !
Mais voilà, comme je viens de le dire, environ une heure après mon départ, une fine pluie d’abord timide s’est vite transformée en bonne drache.
Et quand je disais « au pire moment », c’est parce que j’arrivais justement sur Costa Nova, chouette petite station balnéaire coincée entre l’océan et le canal de Mira. Et c’est également à ce moment, sous les bourrasques, que je devais emprunter le viaduc qui enjambe le canal.
Ce temps m’accompagnera une paire d’heures, jusqu’au débarquement de la barge qui m’aura permis de traverser le Miro.
Mais une fois sur l’autre rive, ô miracle, plus une goutte ! Et enfin une « pasteleria » pour mon premier repas de la journée !
Deux p’tits cafés plus loin, me voilà d’attaque pour les 14km restant (j’étais exactement à mi-course).
Si le matin j’ai longé le canal de Mira, toute l’après-midi se déroulera sur la route longeant la canal d’Ovar. En réalité, à eux deux, ils forment avec l’estuaire de la Vouga une immense zone d’eaux saumâtres soumis à l’influence des marée la plus grande partie étant classée en zone naturelle et protégée.
Oui, 14km de route jusqu’à Vagueira, une route relativement fréquentée mais pas trop, sur laquelle je serai coincé entre le canal à ma droite et les dunes protégées de Sao Jacinto où il est maintenant strictement défendu d’y entrer ! Une route qui sera ponctuée de pêcheurs, de petits pontons en bois protégeant quelques barques, de minuscules plages où la l’eau clapotait calmement, et de flamants roses !
Il en sera ainsi jusqu’au camping, puisque pas le choix aujourd’hui. Sauf que je suis tombé sur le barman-réceptionniste le plus cool qui soit : déjà qu’il ne m’a fait payer que ma personne, sans ma tente, mais en plus, le temps étant à la pluie, il m’a suggéré de dormir à la belle étoile, bien abrité sous le porche derrière sa cafétaria. Ajoutez à cela qu’il ne me compte qu’une bière sur deux, je me demande si je ne vais pas rester quelques jours… 🤣🤣🤣
Asteur, en pleine réflexion pour demain : 59km me séparent encore de Porto ! Et avec les sempiternels problèmes de logements et la pluie qui s’emmêle, je suis en train de me chauffer pour une étape de 35km 😱😱🙏
J 30 : Torreira – Espinho
Je n’ai pas super bien dormi, cette nuit !
Non pas que dormir « à la belle étoile » (bien que j’aie été sous un porche) m’ait dérangé, loin de là, mais je me suis d’abord endormi assez tard à cause des portugais qui parlaient fort à la cafétaria, j’ai ensuite été réveillé plusieurs fois par des renards qui glapissaient non loin, mais j’ai surtout souffert toute la nuit de la cheville gauche, comme une sorte de grosse entorse qui m’envoyait même parfois des sensations de décharges électriques jusque dans les mollets !
Lorsque mon réveil a sonné ce matin, encore plus tôt que d’habitude mais j’y viendrai plus tard, je n’aurai pas parié un balle sur ma monture !
Et pourtant, magie du Chemin diront certains, après quelques kilomètres, tout s’est remis à fonctionner normalement, même plus que normalement… Mais j’y viendrai plus tard ! 🤣
Il a plu toute la nuit. Dieu merci que le tenancier du bar m’ait proposé de dormir à l’abri sans devoir monter ma tente, ça m’aura évité de devoir la replier ce matin toute mouillée et plaquée de sable. Sans parler du temps précieux qu’il m’aura fait gagner.
Et la pluie va d’ailleurs m’accompagner une bonne partie de la journée, les quelques épisodes d’accalmie n’étant que rares et trop passagers.
Par contre, si hier j’ai marché avec mon poncho et mon parapluie, j’ai aujourd’hui trouvé la parade : mon sac à dos n’étant pas livré avec une housse de pluie (et n’y ayant pas pensé, je l’avoue), plutôt que de mettre mon poncho qui m’emmerde plus qu’autre chose, j’ai aujourd’hui emballé mon sac dedans. Quant à moi, mon parapluie me suffit 😉
Et donc voilà, Wils2 (mon bâton) dans une main, le parapluie dans l’autre, cela explique le peu de photo !
Mais venons-en, à la journée.
Départ par la piste cyclable qui suit la même route qu’hier le long du Rio d’Aveiro. Sauf que lundi matin, ce n’est pas la même ambiance qu’un dimanche après-midi, mais soit…
La seconde moitié sera beaucoup plus agréable, toujours sur la piste cyclable, mais qui va alors s’enfoncer dans une magnifique forêt de pins le long d’une route particulièrement calme.
Forêt de pins qui va par la suite s’avérer être un peu le bois de Boulogne de chez Wish : sur la dizaine de kilomètres, j’aurai « la chance » de croiser trois prostituées « couleur locale » qui attendaient le chaland. Aucune n’a tenté de m’aguicher, et je me suis même dit, au nombre de voitures que j’ai vu passer, qu’elles devaient bien mourir de faim en fin de journée ! 🤣🤣🤣
Chemin faisant (Pan ! Pan !), me voilà à Esmoriz. Et c’était bien là que j’avais initialement prévu de faire étape… Au camping… Sous la pluie !
Et donc, j’y viens : voilà pourquoi j’avais mis mon réveil un peu plus tôt ce matin, et que grâce au ciel, malgré mes craintes au réveil, tout s’était remis à fonctionner normalement.
Parce qu’arrivé à Esmoriz, sous la pluie, après 27km mais en super forme, vous aurez compris que je n’étais pas trop motivé par l’idée du camping ! Sauf que l’auberge de jeunesse était à Espinho, ce qui me faisait une étape de plus de 35km. Allez hop, même pas peur ! Et j’ai « avalé » ces 8km supplémentaires comme si de rien n’était !
Bien installé, au chaud… ET AU SEC ! J’ai pu y faire ma lessive tranquille et je m’apprête maintenant à me cuire quelques pâtes en guise de souper…
Bon app’ 😜🍺
J 31 : Espinho – (Valadores) – Porto
Ca y est, j’ai craqué !
Mais avant de vous conter, revenons-en à la genèse de cette journée à vite oublier !
Réveil tranquille, puisqu’en auberge de jeunesse, le déjeuner est inclus. Même s’ils avaient concédé de l’avancer à 8h (au lieu de 8h30), je suis quand même contraint de décaler mon départ. Mais bon, je n’étais pas particulièrement pressé, puisque j’avais décidé de m’accorder une journée de « repos » à Porto (je mets entre guillemets, car il ne faut pas mélanger repos et tourisme : c’est avant tout pour réellement me reposer, et vaquer à quelques occupations).
J’avais plutôt bien dormi, même si dans la nuit, j’avais étonnamment été réveillé à 3h pile par un nouveau venu (mais QUI fait son check-in à 3h du matin ???). Et durant ce bref réveil, j’avais eu l’occasion d’entendre les éléments se déchainer : vent et pluie agitaient les arbres et venaient taper sur les fenêtres, me disant en moi-même que j’avais finalement bien fait de prolonger ma route et de venir à l’auberge plutôt que dormir sous ma tente.
7h30, les éléments ne se sont pas calmés : une pluie battante trouble les flaques dans la cour de l’auberge et les arbres sont ballotés de gauche à droite ! C’est une véritable tempête.
Mais qu’à cela ne tienne, jusqu’à présent sur aucun de mes Chemins précédents, rien ne m’avait jamais arrêté. Et ô miracle, au moment de partir, tout semblait même s’être assagi.
Mais vous vous en doutez, c’était trop beau pour être vrai. A peine tourner le coin de la rue que ça rattaquait de plus belle. Mon parapluie ne fît d’ailleurs pas long feu : retourné une fois, deux fois, puis bim, deux baleines cassées, il était bon pour jeter !
De plus, confiant en mon départ, je n’avais même pas pris la peine d’enfiler mon poncho.
Là, c’est le moment de l’anecdote comique du jour : j’arrête une vieille espagnole qui ne parlaient ni français, ni anglais, je lui montre mon poncho, je lui dis encore bien : « ajuda, ajuda ! ». J’essaye avec le traducteur en ligne de lui dire ce à quoi j’aspire. Et ni une, ni deux, elle me demande de la suivre. Moi, je pensais qu’elle voulait m’amener chez elle, histoire de faire ça à l’abri des bourrasques. Et nous voilà parti, une rue, puis deux, trois, quatre. Après 10 min, en t-shirt dégoulinant et mon poncho en boule dans ma main, je commençais à la trouver un peu saumâtre quand enfin, elle rentre dans une boutique… de manteaux et de parapluies !!!! Et nous voilà parti en fous rires avec la vendeuse asiatique. Mais bon, j’en ai quand même profité pour lui acheter un petit parapluie anti-tempête à 8€…
Et me voilà reparti vers ma route, direction le bord de mer, puisque une bonne partie du Chemin devait aujourd’hui suivre des passerelles en bois.
Dix secondes, c’est le chiffre du jour : le temps que j’ai tenu sur la digue ! J’ai immédiatement compris que ça n’allait pas se passer aussi facilement que je l’aurai espéré…
Le temps de me trouver un abri, de repositionner le gps, de choisir une autre voie par l’intérieur des terres, et me voilà reparti.
Le parapluie, même s’il se retourne très régulièrement sous le vent changeant, semble tenir bon. Le poncho, c’est autre chose : il est si léger qu’au moindre courant d’air, les velcros se défont et qu’il me passe presque par au-dessus de la tête.
La pluie redouble de plus belle, ce sont de véritables trombes d’eaux qui s’abattent sur moi. Et la nouvelle voie qui au départ empruntait une piste cyclable, se retrouve vite en bord de voirie sans accotement. Les voitures passent à toute vitesse, les camions me frôlent au point de faire s’envoler mon chapeau, et je ne vois que le temps passer avec la désagréable impression de ne pas avancer.
A 13h, je n’avais fait qu’une douzaine de kilomètres. Je téléphone à mon ami Oli, qui m’annonce que la région est en alerte rouge, bord de mer et plages interdites d’accès. J’apprendrais par la suite qu’il est même déconseillé aux piétons et aux automobilistes de sortir de chez eux. Et les pèlerins dans tout ça ? Ben moi, je suis ma gueule dehors, et j’en pleure de rage et de peur.
Lorsque j’arrive enfin en zone un peu plus civilisée, un automobiliste me fait signe et s’arrête un peu plus loin. Je me dis ouff, enfin un qui comprend que je suis en difficulté et qui va proposer de m’aider. Que nenni, il était juste tout content de croiser un pèlerin et de me raconter que lui aussi avait été une fois jusque Santiago. « Allez, Bom caminho et ciao », me dit-il en portugais avant de redémarrer !
Encore quelques centaines de mettre, je me mets à l’abri et je vais essayer en vain pendant près d’une demi-heure de rafistoler mon poncho. Désespéré de n’y arriver, j’interpelle deux portugais. Dans mon malheur, j’aurai toutefois la chance qu’ils parlent parfaitement français : ils ont tous les deux travaillé chez Arelor Mital à Seraing. Ils m’ont presqu’engueulé d’être parti ce matin. 🤣🤣
Et d’emblée, ils me conseillent de prendre le bus, ou mieux, une dame se mêle à la conversation et suggère de prendre le train, avec tous les détails sur le quai, les horaires et le prix du billet, la gare étant à 200m !
Et voilà, j’ai craqué. Pour les 6 derniers kilomètres, moi qui me réjouissais d’arriver à Porto peut-être en bateau, ça sera en train. Et une fois au sec dans le wagon, un petit coup de fil à ma bien-aimée aura suffi à m’achever : j’ai pleuré discrètement à chaudes larmes tant mon sac débordait d’émotion. Seul depuis plus de 4 semaines, par monts et par vaux, dans le sable mou, sous un soleil implacable, le long de routes interminables, ce sont finalement les éléments déchainés qui auront eu raison de moi !
On prévoit de la pluie pour au moins toute cette semaine, peut-être même celle d’après. Aujourd’hui était la pire journée annoncée. Est-ce que cela va me faire renoncer ? Non ! Mais il faut néanmoins bien reconnaitre qu’aujourd’hui et pour la première fois, j’ai dû m’avouer vaincu.
Day off, demain, « repos du guerrier » ! 🤣🤣
J 32 : Porto, day off 1
Je ne pensais pas vous écrire aujourd’hui, puis la météo n’incitant pas aux flâneries, je suis perché dans mon lit et je m’ennuie.
« Perché » au propre comme au figuré : 4ème étage sans ascenseur, et parmi les lits superposés, j’ai celui du haut 😭😭
J’étais en pleine réflexion tout à l’heure en vous postant les deux vidéos : décidément, le Portugal ne m’aura rien épargné ! Des fortes chaleurs exceptionnelles en plein mois d’octobre, jusqu’au déluge et à l’alerte météo m’obligeant à prolonger mon stand by ! De mes Chemins, j’en ai déjà vu, mais je n’ai jamais eu si dur et autant d’ennuis que sur celui-ci.
Là, à l’instant d’écrire ce petit mot, la pluie s’est arrêtée. Pour combien de temps ? Parce que l’amère expérience d’hier ne m’incite guère à démarrer si il y a le moindre doute. Et l’alerte vaut jusque demain soir !
Aujourd’hui pourtant, le ciel était relativement clément. Deux ou trois averses mais rien de dramatique… Jusqu’à cette fin d’après-midi !
En attendant, pour vous faire patienter, quelques photo du marché.
J 33 : Porto, day off
C’est encore du haut de mon lit que je vous écris.
Mais pour une seule nuit, soi-disant que c’est pour une question de réservation, ils ont quand même trouvé le moyen de me changer de chambre. Même étage en plus, j’ai dû transbahuter tous mon barda d’un côté à l’autre du couloir, pour au final ne rien y gagner, paysans de portugais 🤣🤣
Pas grand-chose à dire aujourd’hui, si ce n’est qu’en fin de compte, j’aurais finalement pu partir : une seule grosse averse sur le coup de midi, sinon pour le reste, au pire il pleuvinait…
Et j’ai dû donc tuer les temps en le noyant comme je pouvais.
Matinée à flâner à l’auberge.
Midi, direction « Pedro dos Frangos », une rôtisserie renseignée par Christian Van Oudenhove , où je me régalerais de « tripes à la mode de Porto ».
Après-midi, tant qu’à faire de n’avoir rien à faire, je suis quand même descendu au Douro et son entrelacs de rues médiévales.
Fin de journée plus sage, à checker et réorganiser mon barda, puis direction le marché couvert puisque sous vos acclamations et vos insistances, je me devais de déguster du porto !
Menu découverte à 10€ : 5 sortes (blanc, tané, ruby, rosé et réserva), avec un sus le verre du patron qui n’était pas prévu, un 10 ans d’âge !
Ma préférence va sans conteste au tané, un régal !
Puis bon, plaisir pour plaisir, retour chez Pedro pour un assiette de sardines grillées… Et un 7ème Porto offert par la maison en pousse-café !
Et me voilà donc affalé dans mon lit à négocier chaque touche de mon clavier pour tenter de parvenir à vous écrire quelque chose de cohérent !
Mais quoiqu’il en soit, ne nous y trompons pas : demain, pluie ou pas pluie, c’est reparti !!! 👣👣👣
J 34 : Porto – Vilarinho
Oufff, enfin, me voilà reparti !
Et pourtant, ça n’était pas encore gagné. Non pas que le porto ait fait des dégâts, mais parce que j’ai été réveillé à 3h par la pluie et le vent qui tapaient sur la fenêtre de la chambre ! Je me suis dit « ouaye awaye, ça n’va nin cô aller, sèssss ».
Et pourtant ce matin, même pas un petit crachin. Je me suis néanmoins pré-équipé en conséquence, sans toutefois sortir l’artillerie lourde : juste la housse sur le sac à dos, et mon parapluie prêt à être dégainé à la moindre alerte. Et des alertes, il y en aura finalement eu quatre sur toute la journée, très courtes, très calmes. Seule une sera u peu plus longue et intense, mais guère plus de 10 minutes. Le parapluie aura largement suffi à me protéger suffisamment.
Mais venons-en à la journée. Je ne vais pas vous faire un dessin : une sortie de ville… ben ça reste une sortie de ville ! D’autant plus longue que celle-ci est importante et que sa banlieue s’étend donc à l’infini. C’était donc couru que ça serait beaucoup de routes…
J’ai un peu pataugé ce matin pour trouver le Chemin. De l’auberge, je n’allais pas faire 900m « en marche arrière », pour ensuite redémarrer dans le bon sens en suivant les marques. Non, j’ai essayé de couper court en diagonale par les petites rues. Et puis voilà, après environ 2km, et sans me tromper, s’il vous plait, aaaaaaaallléééluia, une flèche jaune au pied d’un coffret électrique. Vingt mètres plus loin, une seconde sur un poteau d’éclairage. Et je pouvais ainsi les suivre quasi à l’oeil sur des centaines de mètres !
Et après autant de temps sans avoir vu de balisage St-Jacques en continu, vous n’imaginez pas le bien fou que ça m’a fait ! Je pouvais enfin me laisser porter par le Chemin sans vérifier e permanence si j’étais sur la bonne voie. Et de fait, jusqu’à l’auberge, soit sur 26km, ce balisage n’a jamais failli. Parfois des flèches jaunes « à l’ancienne », mes préférées, parfois maintenant de beaux piquets en bois avec une plaque en résine. Ça a le mérite d’être beau, propre, clair et pérenne, je reste néanmoins attaché aux flèches jaunes !
Premier tiers du trajet sur des trottoirs plus ou moins large, plutôt moins que plus d’ailleurs, le long de routes à la circulation finalement pas si dense que je l’aurai imaginé.
Pour ce qui est du reste, je ne vais pas dire « que d’asphalte », mais plutôt « que de pavés ». Car la majorité du trajet se passera aujourd’hui sur des petites routes de liaison entre les villages composées de gros pavés. Pas toujours évident de marcher, les articulations trinquent un peu, mais en même temps, j’ai tant de plaisir à repérer les flèches que je n’y prête même pas attention.
26km avec de nouvelles chaussures, la première paire ayant été usée jusqu’à l’os par les rochers tranchants et abrasifs de la côte Vicentine et les falaises du Trilho das Areias.
26km après deux jours d’arrêt à me gaver de porto et de bons petits plats.
Il fallait bien redémarrer un jour, j’avais hâte, et tout s’est bien passé, tant physiquement qu’au niveau de la météo.
Je suis enfin aujourd’hui dans une véritable auberge de pèlerins. Je ne saurai pas trop vous expliquer, ça se sent, ça se ressent. Dans l’organisation, l’accueil, les collations et le café offert pour demain matin, le frigo bien achalandé et la confiance qui y règne.
Puis par le fait aussi qu’ici, je rencontre enfin d’autres pèlerins. Ah ben oui, en toute modestie, je vais devoir m’y faire. Jusqu’à présent, quand j’arrivais à la réception, on m’accueillait parfois, souvent même, par mon prénom : « Vous êtes Luc, n’est-ce pas ? Le pèlerin ? ». Ah ben forcément, j’étais le seul !
A partir de ce matin, je rentre un peu dans l’anonymat de la foule des autres pèlerins, même si en cette saison, on n’est quand même plus très nombreux (4 ce soir, dans cette auberge privée qui peut accueillir 26).
Par contre, pas de cuisine. Je les soupçonne d’avoir un accord avec le bar du coin, qui propose un menu pèlerin à… 8€ ! 🤣🤣🤣
Et donc, sur, je m’en vais souper 😜
J 35 : Vilarinho – Barcelos
J’étais plutôt confiant ce matin. Une petite bruine légère, des prévisions qui semblaient plutôt optimistes, même si elles annonçaient un peu de pluie en début d’après-midi.
Je revêts quand même la housse de mon sac à dos, et je garde le parapluie à portée de main. J’y reviendrai en fin d’article, à ce fameux parapluie…
Lorsque je quitte l’albergue, vers 8h, le soleil commence même à poindre le bout de son nez. C’était de bon augure…
Mais non ! Environ une heure après le départ, les premières gouttes arrivent…
Il n’aura finalement plu qu’une fois aujourd’hui : de 9h du matin à… 14h30, puisqu’elle n’a daigné s’arrêter qu’environ une heure avant mon arrivée.
Nonobstant la pluie, parfois drue d’ailleurs, la journée ne fut néanmoins finalement pas si mauvaise.
Après avoir traversé un pont médiévale datant du XIème s., le Chemin continue à emprunter ces sempiternelles routes pavées. Parfois, ça va encore, ce sont de petits pavés plutôt plats et bien agencés. D’autres fois, ça s’apparente plus à une ancienne chaussée romaine, avec de gros pavés bien ronds et posés un peu n’importe comment. Gare aux entorses à celui qui n’en prend pas garde !
Bel équilibre aujourd’hui, entre ces routes et des chemins agricoles bordés de murs en pierres sèches et de forêts d’eucalyptus dont la pluie exacerbait le parfum, et très peu de grand route, si ce n’est vers la fin.
Quant à la pluie, justement, elle ne m’a pas quitté, disais-je. Plutôt fine et légère au début, je ne fais même pas mention des rares interruptions, puisqu’elles étaient si brèves qu’elles ne me laissaient même pas le temps de rengainer mon parapluie !
En début d’après-midi, par contre, c’était des cordes qui tombaient ! Les chemins de campagnes se sont vite transformés en torrents ou en piscines. Et c’est arrivé d’ailleurs tellement rapidement qu’à un moment donné, j’ai même vu le flot arriver, comme si on avait lâché les vannes en amont !
Mais bon, si la tempête de mardi avait pour la première fois réussi à me faire renoncer, j’allais aujourd’hui faire honneur à l’adage : la pluie n’arrête pas le pèlerin !
Je n’irai pas jusqu’à dire que j’y trouve même un certain plaisir, mais honnêtement, sans trop de vent, ça ne m’a vraiment pas trop dérangé.
A l’auberge municipale, ce soir, en donativo. Pour rappel ou info, le donativo est une particularité des Chemins de Saint-Jacques : pas de tarif fixe préétablis, ils fonctionnent uniquement sur base de dons laissés à l’appréciation de chacun. Le principe théorique étant que les dons servent justement à leur permettre de recevoir les pèlerins dans de bonnes conditions. A toi donc de laisser le juste prix, selon tes moyens, selon la façon dont tu as été reçu, selon les équipements mis à ta disposition, etc. etc. Si malheureusement certains en profitent parfois comme « logement gratuit », d’une manière générale, chacun y va de son portefeuille : ça reste une relation de confiance qui permet au système de perdure…
Note technique sur l’usage du parpaluie : 🤣🤣
C’est la première fois que je partais avec un parapluie, et j’ai d’ailleurs hésité longtemps avant d’en prendre un. Pour tout vous dire, c’est seulement la veille du départ que je me suis décidé à le glisser dans mon sac.
Je pensais jusqu’à présent que ça m’emmerderait plus qu’autre chose, entre d’une part le bâton dans une main, le parapluie dans l’autre, il ne me restait plus beaucoup de main libre pour prendre des photo ou me gratter, par exemple 🤣🤣. Et d’autre part pour un avantage que je jugeais minimum puisqu’en fin de compte, il ne protégeait que ma tête et mes épaules.
Ben finalement, c’est plus que ça. C’est vrai qu’aujourd’hui après-midi j’aurai pu enfiler le poncho. Mais le poncho aussi a des inconvénients : difficile à enfiler et à retirer, une fois couvert, on a tellement chaud dedans qu’on est presqu’aussi mouillé que si ça l’avait été par la pluie.
Tandis qu’avec le parapluie, je reste à l’air libre, je garde la liberté de le fermer ou de l’ouvrir en deux secondes, je sais le ranger facilement dans le filet de mon sac à dos quand je ne l’utilise pas, je sais l’orienter en fonction du vent et de la pluie, etc. etc.
J’ai joué aujourd’hui à saute-mouton avec un couple d’espagnols qui marchaient en poncho : les lunettes pleines de gouttes, le visage engoncé dans la capuche, les mouvements des bras contraints par la toile du poncho, et les quelques rares fois où la pluie s’est arrêtée quelques minutes, ils s’étaient à peine débarrassés de leur bazar qu’il fallait déjà le remettre… Pendant que je les dépassais en sifflotant 😉
Enfin bref, dans la balance des pours et des contres, je l’ai essayé, c’est adopté !
J36 : Barcelos – Sobreiro
La nuit fut un peu mouvementée à l’albergue municipale de Barcelos. J’étais pourtant dans une petite chambre de 4, que je partageais avec deux hollandaises… Un peu spéciales, on va dire ! Si l’une se montrait plutôt discrète, l’autre était plutôt du genre exubérante, assise par terre et étalant tout le contenu de son sac à même le sol, ou se baladant sans vergogne en t-shirt et culotte dans toute l’albergue !
Et alors qu’elle accusait sa copine de ronfler et de faire beaucoup de bruit en dormant, ce qui par la suite va s’avérer exacte mais sans exagération, je pense qu’en ce qui la concerne, je n’ai jamais entendu quelqu’un autant remuer durant la nuit !
Il faut dire aussi que dans les albergues municipales, probablement pour une question d’hygiène et de facilité d’entretien, les coussins et les matelas sont en plastique. On vous donne juste à votre arrivée un set avec un drap housse pour le matelas et une taie d’oreiller en papier, histoire de ne pas dormir sur du plastique ! Et que donc, ajouté au sac de couchage (puisqu’il faut bien entendu dormir dans son sac de couchage), quand on remue, ça fait fritch-fratch-froutch ! Ben je vous jure qu’elle en a fait, des fritch-fratch-froutch, la hollandaise !!!
Réveil à 7h, pour une étape de 27km. Au départ, elle devait en faire 33, mais comme celle de demain n’en aurait alors fait que 17, j’ai dégoté une petite auberge privée à 15€ dans un tout petit hameau qui n’est même pas repris sur la carte ! Et donc 27km aujourd’hui, 23 demain, c’est parfait !
Départ sous une toute fine pluie un peu collante. A peine utile d’ouvrir le parapluie, mais bon…
Pour une étape qui sera un peu comme celle d’hier : un chouette mélange de routes de campagne ou de voies agricoles, très peu de grand route, et des petits sentiers. A la différence qu’aujourd’hui, j’aurai un peu plus d’asphalte que de pavés, mais par contre beaucoup plus de sentiers que de routes. Et puis surtout que le soleil a fait son apparition dès midi et pour tout le reste de la journée ! Il faut en profiter, il parait que la pluie revient… demain !
Un parcours pas trop désagréable donc, d’autant qu’on est dimanche et que les routes étaient extrêmement calmes : à l’exception des quelques rares tronçons de grand route, et encore, c’était très calme aussi, j’ai dû croiser en tout et pour tout une vingtaine de voitures sur la journée.
Et également étonnamment seul aujourd’hui sur le Chemin. Nous étions 13, hier, à l’albergue municipale (qui peut accueillir 18 personnes). Sachant qu’un kilomètre avant se trouve une énorme albergue associative de 60 places, sans compter les albergues privées qui pullulent, j’ai été très surpris de ne dépasser ou de n’être dépassé par personne en cours de journée. Même durant ma pause de 20 minutes dans un bar, je n’ai vu personne passer…
Je suis d’ailleurs a priori le seul à avoir eu l’idée de couper l’étape dans ce petit hameau… C’est en tout cas ce que m’a annoncé l’hospitalière.
Ceci dit, il faut quand même bien dire que je me fais un peu chier comme un rat mort ici ! Raison pour laquelle les gens poussent jusqu’à Ponte de Lima, qui est une grande ville offrant tous les services.
A Sobreiro, il y a bien un bar à 500m de l’albergue, mais j’étais seul en salle. Et j’ai bien remarqué quand je suis rentré les regards insistants et interrogateurs de la part de la tenancière qui était attablée avec semble-t-il quatre membres de sa famille, genre Camorra. Limite, on aurait juré que ça l’emmerdait de se lever et de me servir, alors que je venais simplement consommer une bière et lui demander pour acheter « à emporter ».
Addendum :
Ah, retour à l’albergue, il semblerait que je ne sois plus seul. J’avais bien remarqué en rentrant que la porte de la cour était fermée alors que celle de la salle de bain était ouverte. C’est moi qui avais procédé ainsi, j’en étais certain. Mais bon, je me suis dit que c’était peut-être l’hospitalière qui était passée.
Alors que je rangeais mes affaires et préparais mon petit bureau pour vous écrire, j’ai eu idée de visiter un peu. Et non seulement l’autre dortoir est fermé à clef, mais j’ai en plus eu droit à des grognements de mécontentement.
Là, ça fait deux heures que je suis occupé : je me suis fait un petit apéro, je vous écris, j’ai soupé. Il vient à l’instant de sortir de sa chambre pour aller pisser, il m’a salué en portugais, je me suis excusé d’avoir voulu ouvrir sa porte. Il est sorti fumer, et il est retourné sans un mot s’enfermer dans sa chambre. Bonjour l’ambiance !
J 37 : Sobreiro – Rubiaes
Journée un peu compliquée, aujourd’hui.
Parce que j’ai oublié de vous dire : les dénivelés se sont invités sur le parcours !
Hier, ça allait encore. C’était plutôt lent et progressif, des longues ascensions, pas trop fortes, encore que parfois, ça piquait quand même bien aux pieds, mais pas longtemps, ça allait…
Aujourd’hui, par contre, si la première moitié du trajet fut plutôt plate, on s’est ensuite attaqué aux collines ! Et là, c’était un peu compliqué.
Parce que des montées plutôt raides, par la route ou par des sentiers pavés, ce n’est déjà pas facile. Mais quand ces montées se passent au milieu des bois, dans un chaos de rochers dont certains m’arrivent presqu’au genoux, et que je dois trouver ma voie ou carrément les monter, ça en devient presque de l’escalade !
J’en avais les jambes en coton. Parce que ça n’était pas une ou deux montées, non ! Dès que l’une finissait, je n’avais parfois que quelques dizaines de mètres de répits pour la suivante !
Par contre, très beau parcours ce jour. Jusqu’à Ponte de Lima, pas de surprise, route, asphalte et pavés.
Mais à la sortie de Ponte de Lima, Ce ne fut quasiment que sentier, toutes petites routes, et un très beau et long parcours dans les bois.
Mais la pluie de ces derniers jours ne m’a pas facilité la tâche : juste en sortant de Ponte, le chemin suit une sorte de halage, je vais appeler ça comme ça, le long d’un petit ruisseau. Un halage fait de grosses pierres rendues glissantes par les feuilles mortes et détrempées.
Le pire, c’est que quand ce halage s’est brusquement terminé en bordure d’un terrain en friche, il fallait encore que j’avance, moi !
J’ai donc enjambé le ruisseau et j’ai suivi les herbes écrasées par mes prédécesseurs. Sauf que dans ce terrain, l’eau aussi avait fait son chemin. Un fossé de près d’un mètre aux berges boueuses et glissantes. Et je devais coûte que coûte passer par là, aucune alternative !
Tenez-vous bien, j’ai dû enlever mon sac à dos, le lancer sur l’autre rive, essayer de trouver un appui plus ou moins stable et me jeter à mon tour. Coup de bol, même si je me suis fait un peu mal au genou à la réception, je suis arrivé sain et sauf de l’autre côté. Mais ma main au feu que plus d’un s’est retrouvé les pieds dans l’eau, si pas autre chose !
Niveau météo, la journée fut d’ailleurs coupée en deux : petite pluie assez soutenue en matinée, et beau soleil dans l’après-midi. Mais ne nous réjouissons pas trop vite, on n’annonce vraiment rien de bon pour demain !
Albergue municipal, ce soir. Nous sommes une petite vingtaine dans un dortoir qui peut contenir 28 personnes. On m’a placé dans un coin, lit du bas, et à l’opposé de la porte d’entrée. La meilleure place 😉
J 38 : Rubiaes – Tui
Ça y est, je suis en Espagne.
Après une journée sous la pluie, il aura fallu que j’enjambe le Minho pour non seulement changer de pays et d’heure, mais également de climat puisqu’au premier posé en Espagne, la pluie s’est comme par magie arrêtée et le soleil est apparu. Quatorze minutes exactement avant que j’arrive à l’auberge !
Mais laissez-moi tout d’abord vous conter une journée bien arrosée.
Douce nuit à l’albergue, en compagnie de mes 17 compagnon(ne)s de chambrée. Pas un ronflement plus haut que l’autre, pas un vent intempestif ni aucun « fritch-fratch-froutch (vous savez maintenant de quoi je parle ! 🤣🤣)
Le réveil s’est même fait un peu trop en douceur à mon goût puisqu’à 7h20, personne n’avait encore bougé. Plutôt étonnant pour des pèlerins, dont souvent les plus matinaux s’agitent parfois dès 5h du matin, au grand dam des autres.
Départ sous la pluie, une pluie assez soutenue, qui non seulement ne me quittera pas une seule seconde, mais variera en intensité tout au long de la journée, avec des épisodes parfois très intense. Coupe-vent déperlant (dont l’effet déperlant ne durera d’ailleurs qu’un trop court temps) et parapluie seront aujourd’hui mes meilleurs amis (Note pour moi-même : au prochain Chemin, une vraie veste imperméable UL et un parapluie, avec la housse de pluie pour le sac, devraient suffire à me protéger. Le Poncho n’ayant finalement que peu d’utilité et pas pratique à mes yeux. Mais avant que mes détracteurs et les aficionados du poncho me fusillent sur la place du village, je suis d’accord que c’est une question de choix !)
Un trajet beaucoup plus paisible qu’hier en termes de dénivelé, partagé entre routes très mal pavées et beaucoup de chemins et de sentiers.
Un trajet, par contre, comme je le disais, marqué par les intempéries : de l’eau partout, des flaques qui prennent toute la place, des mini cascades qui dévalent des collines et traversent les sentiers, des avaloirs qui débordent et recrachent les trop-pleins, des fossés bouchés de branches et de feuilles qui déversent sur les pavés, et j’en passe !
J’ai croisé un peu plus de monde aujourd’hui. De celles et ceux avec qui j’ai passé la nuit, mais aussi un couple d’estoniennes pas démotivées par la météo.
Mais aujourd’hui fut surtout marqué par mon entrée en Espagne.
C’est le fleuve El Minho qui fait la frontière. Un immense pont de fer permet de le franchir, tranquille, par une passerelle piétonne bien séparée de la circulation.
Et comme si en Espagne la magie du Chemin opérait, il m’aura fallu attendre d’arriver à l’entrée de ce pont pour que la pluie cesse brusquement.
Longue d’environ 250 mètres, j’étais seul à m’élancer sur la passerelle qui surplombe le Minho d’une hauteur impressionnante.
Un super long pont super haut d’une rive (Portugal) à l’autre (Espagne). Seul. Avec la rivière en contrebas. C’était trop tentant : j’ai fait pipi du haut du pont pile poil à la frontière 🤣🤣🤣
Et c’est tellement haut que j’avais presque fini de pisser que la première goutte n’avait pas encore atteint l’eau 🤣🤣🤣
Dommage que je n’aie que deux mains pour ne pas avoir fait la photo, hein ? 🤣🤣🤣
Et voilà, premier pied posé en Espagne. Si la pluie s’est arrêtée juste avant de franchir le pont, c’est avec le soleil que je suis accueilli sur le sol ibère.
Je peux maintenant faire le plein à 1,679 plutôt qu’à 1,834 (non pas que j’aie particulièrement fait attention, mais le prix m’avait interpellé au Portugal, parfois même plus de 1,900€. Et le premier truc en entrant en Espagne, c’est une station-service !)
Mais j’ai surtout perdu une heure, puisque je ne sais pour quelles obscures raisons, le Portugal, qui fait pourtant partie de la péninsule ibérique, a une heure de décalage en moins par rapport au reste de l’Europe, et a fortioiri par rapport à sa plus proche voisine, l’Espagne.
A l’auberge municipale ce soir, avec un sergent-major à l’accueil à qui il ne faut pas la raconter : dura lex, sed lex !
Nous ne sommes bizarrement que quatre, quatre parmi ceux qui étaient avec moi hier à Rubiaes.
Je reviens cependant du restaurant (puisqu’il n’y a pas de cuisine à l’auberge), le seul à proposer un menu pèlerin, et il était bondé.
Enfin, bondé surtout d’une table de treize. Doit-on y voir une réminescence de la Dernière Cène ? Toujours est-il que malgré leur invitation à me joindre à eux, j’ai préféré me mettre à l’écart et me positionner en observateur. D’abord parce qu’ils semblaient se connaitre entre eux, ensuite parce que passer ma soirée à converser en anglais, ça me fatigue. Enfin, parce que j’ai profité aussi de ce temps pour commencer à vous écrire.
En tant qu’observateur, parce que je me suis amusé à les décrypter. Un véritable remake du film « Saint-Jacques, la Mecque » : le comique qui ne fait rire que lui, le dragueur tatoué, la midinette qui n’a d’yeux que pour lui, le jeune prépubère avec sa casquette plein d’illusions, le jeune frimeur genre surfeur qui tente des approches avec sa voisine de table, celle-ci qui ne l’écoute qu’à moitié, l’anglais qui est dans sa bulle et explique son chemin depuis Coimbra avec une seule auditrice attentive, l’autre anglais qui veut se montrer sociable et enjoué, genre « je suis dans l’esprit de Saint-Jacques » mais qui en vrai met tout le monde mal à l’aise, et la paumée qui se demande ce qu’elle fout là. Ah, j’allais oublier la blonde type hollandaise qui a certainement fumé avant de venir et qui décortique son assiette pour savoir ce qu’elle mange.
Le vin coule à flot, des photos « cheese » par ci, « cheese » par là, mais au moment de payer, rira bien qui rira le dernier. Je n’ai pas assisté à la scène, bien trop pressé de rentrer : la pluie est revenue en force et l’auberge ferme ses portes à 21h30 tapantes, « heure espagnol », dixit le sergent-major ! Et demain, à 8h, tout le monde dehors (et je ne rigole pas !)
Donc, sur ce, bonne nut’…
J 39 : Tui – Redondela
Lorsqu’on vous demande de partir pour 8h, mais que maintenant nous sommes à l’heure espagnole , ben à 8h, il fait encore tout noir.
C’est donc dans l’obscurité la plus totale et sous un petit crachin que j’ai entamé cette longue étape de 32km.
L’ambiance est particulière dans le noir. Les lumières blafardent, quelques passant, le bruit des gouttières qui débordent résonnant dans le silence de la nuit, quelques passants qui partent au travail. Et puis moi et le claquement de mon bâton sur les pavés, le tintement des gouttes sur mon parapluie, et mon ombre qui avance anonymement pour ne jamais revenir.
On quitte vite la ville pour rejoindre un long sentier à travers bois. Pas évident dans la pénombre de trouver ses pas. Flaque par ci, trou par là, boue ici ou caillou qu’on ne voit pas… C’est de ma faute, je n’ai pas jugé bon de partir à la frontale, n’imaginant pas que je me retrouverai si tôt dans le noir quasi total.
Mais le jour point vite le bout de son nez.
Long parcours sur route aujourd’hui, même si je ne dois pas oublier en matinée la traversée d’une magnifique forêt presque féerique.
Mais le tout sera gâché par l’interminable traversée d’une zone industrielle et de la ville d’O Porrino.
Sans parler que sous la pluie, tout paraît plus long, surtout quand l’étape s’éternise. Et on finit par ne plus profiter tant on a hâte d’arriver.
Mes souliers ont de nouveau fini par faire flitch flatch floutch et mon parapluie a rendu l’âme d’une manière plutôt surprenante.
Déjà ce matin, en l’ouvrant, plutôt que de rester camper au bout de son manche, il est parti comme une roquette et s’est ouvert sur les pavés à 2m de moi. Je n’en pouvais plus de rire tout seul tant la situation était ubuesque.
Je l’ai quand même re-enchassé tant bien que mal sur le manche qui m’était resté en main, mais je sentais qu’au niveau du ressort, ça n’allait pas. Et 3km avant arrivée, chtoinnnng, le ressort à lâcher, les baleines se sont désorganisées, et je me suis retrouvé comme une biesse au milieu de la flotte !
Heureusement… A 900m de l’arrivée, un magasin « Asia Supershop », avec, comme son nom l’indique, toutes des babioles asiatiques… Et un rayon parapluies de la même marque que celui qui venait de me lâcher.
Puisque malgré ses humeurs du jour, il avait quand même vaillamment affronté la tempête, je lui ai pris son grand frère, plus large et plus beau ! On verra bien…
Mis à part cela, rien de spécial à ajouter…
La journée s’est quand même bien passée, je suis néanmoins content d’être arrivé à presque 17h à l’étape. Douche, lessive, repas. Il me restait à vous écrire et il est l’heure 🥱😴😴
J 40 : Redondela – A Portela
Le petit ruisseau qui jouxte l’auberge et dont hier je voyais le fond à travers ses eaux cristallines s’était transformé ce matin en un tumultueux torrent. C’est dire si les précipitations de la nuit furent diluviennes… Et ça ne s’était pas calmé ce matin ! Qu’ai-je bien été inspiré de prendre le grand frère de mon petit parapluie qui m’a lâché hier 😅🙏
Presque trop grand d’ailleurs, parce que pas encore habitué à ses dimensions, je me frotte aux façades et je me prends tous les poteaux 🤣🤣
Nous avons franchi hier la borne des 100. Ajouté à cela que le Caminho da Costa nous a rejoint, nous entrons dans ce que j’aborde le plus : les grandes foules et son chapelet de tourigrinos. Je ne saurai en effet dénombrer le nombre de personnes rencontrées aujourd’hui.
« Tourigrinos », un terme que vous ne connaissez sans doute pas mais qui parle de lui-même, ce mélange de touristes vaguement aromatisés au parfum de pèlerin (peregrinos en espagnol), sous prétexte qu’ils marchent, qu’ils ont un sac à dos (pas toujours) et qu’ils occupent des places dans les albergues. Encore que ce dernier point n’est pas non plus une constante : j’ai discuté aujourd’hui avec deux québécoises qui venaient de se faire déposer en taxi au premier bar. Salutations, interrogations et explications : elles ont déboursé 4000$ canadiens (je n’ai pas fait la conversion) pour Porto-Santiago, en portant chacune leur sac (mais qu’y avait-il dedans ???), mais avec portage des valises d’étape en étape et hôtels **** réservés à l’avance !
Et c’est sans parler d’une partie de la tablée d’avant-hier que je retrouve aujourd’hui à l’albergue avec moults bouteilles de vin déjà consommées. Dieu sait que je ne suis pourtant pas le dernier à faire la fête, mais je ne sais pas pourquoi, ici, ça ne me parle pas.
Ceci dit, détrompez-vous, je suis loin d’être associal ! Parmi eux, il y a Jorgen l’allemand, Anna-Mika la hollandaise, Marcel et ??, le couple brésilien, les trois autres dames brésiliennes dont je n’ai jamais su les prénoms, Charles le montréalais, puis tous les autres dont j’ai oublié les prénoms, mais on se salue, on se sourit lorsqu’on se croise, ils savent tous comment je m’appelle et quel est mon Chemin. Mais je ne me sens pas en phase avec eux…
Puis il y a aussi tous les autres, plus discrets, plus solitaires, que ça soit pour une question de caractère, par la force des choses avec la barrière des langues (j’ai discuté aujourd’hui avec un Polonais et un chinois, merci les traducteurs en ligne), ou simplement par la volonté d’intérioriser leur Chemin.
Mais bon, revenons-en à la journée. Très arrosée, et sans mauvais jeu de mot, je ne vais pas vous inonder de photo !
Tellement pluvieuse que je pense avoir entendu un coq gargariser ! On aurait dit un dindon 🤣🤣
Beaucoup de routes, aujourd’hui, et des routes peu intéressantes. Parfois grands routes fort fréquentées, parfois petites routes mais sans grand intérêt.
Heureusement que ces passages « sans » étaient largement entrecoupés de sentiers en forêt, même si, à part la partie voie romaine et sa cascade, c’était « juste » un parcours en forêt.
Heureusement aussi la traversée du Rio Verdugo à Pontesampaio et la remontée dans Ponte, si dure soit-elle, mais paradoxalement avec ô combien de charme sous une pluie diluvienne et l’eau qui dévalaient ses petites rues par vagues successives.
Comme quoi la pluie aussi possède sa propre poésie, et je suis loin d’y être insensible.
On annonce plus sec pour demain. Mais de nouveau rien de bon pour la suite et au moins jusque lundi. A moins d’un miracle (mais ça existe vraiment, ici : souvenez-vous de l’Asia Shop d’hier, pile-poil au bon endroit au bon moment ! 🤣), je ferai donc ma première entrée à Santiago sous des hallebardes !
J41 : A Portela – Caldas de Reis
Réveil un peu brutal ce matin. Aux alentours de 6h30, alors que les premiers commençaient déjà à s’agiter, un énorme coup de tonnerre a retenti.
Je ne sais pas s’il a plu, mais il nous a en tout cas tous réveillé avec la crainte de nouvelles averses.
Pourtant, non. En tout cas au départ, nous sommes épargnés.
Petite journée aujourd’hui. Après avoir pris un peu d’avance hier, j’ai dû revoir mes prétentions à la baisse en fonction du prix des albergues, mais aussi et surtout afin de redécouper les 2 étapes qu’il me reste et faire mon entrée à Santiago avec une pas trop longue, histoire de ne pas y arriver trop éreinté (surtout s’il pleut).
C’est donc sans hâte que je me presse ce matin. Parce que petite étape ou pas, j’ai toujours cette crainte inconsciente mais toute autant bien encrée qu’irrationnelle de ne pas avoir de place à l’albergue. Alors je me presse inutilement et j’enrage quand je me fais dépasser, en me disant que c’est potentiellement une place de moins pour moi 🤣🤣
Puisque le plus gros du mauvais côté de l’étape d’aujourd’hui avait été fait hier, il ne me restait a priori que le meilleur. Quelques kilomètres à fuir la banlieue en longeant une voie de chemin de fer puis une grand route, et me voilà en forêt. Une chouette forêt et un chouette sentier, entouré d’arbres envahis de mousse, bordé par des murs en pierres sèches (enfin, sèches.. Faut le dire vite avec la pluie de ces derniers jours !)
Un peu de routes, on n’y échappe pas, puis le trajet serpente entre les vignes, avant d’arriver presqu’à destination.
Sinon, niveau météo, nous avons quand même essuyé un énorme orage vers 11h du matin. Coup de bol pour moi, je n’étais pas loin d’un arrêt de bus où j’ai pu m’abriter en attendant que ça passe. Puis aussitôt, le soleil est revenu pour toute l’après-midi.
Toujours beaucoup de monde sur le Chemin. Souvent les mêmes, que j’identifie parfois au simple son de leur voix, à l’allure de leurs pas ou au tintement de leurs bâtons. Quelques nouvelles têtes aussi, dont on se demande parfois d’où ils ou elles sortent, comme ces 3 tourigrinos qui m’ont dépassés aujourd’hui et à qui j’ai eu envie de faire un bras d’honneur à leur « buen camino ». Ou encore Sabrina, avec qui je partage aujourd’hui le dortoir : polonaise d’origine, vivant en Allemagne, alliant dans son mètre soixante la carrure et la robustesse de ses deux nationalités. Une moyenne de 35 kilomètres par jour, avec un sac de 20kg ! Une véritable machine de guerre… Elle compte arriver demain à Santiago, 41km, d’une traite, sous la pluie. Et elle ne se nourrit que de sachets lyophilisés et de barres protéinées.
J’aime autant pour elle que pour moi !!!
Note : Caldas de Reis et ses sources chaudes (avec un bassin pour tremper les pieds).
J 42 : Caldas de Reis – Cruces
Pas de pluie ce matin. Alors que j’avais été réveillé plusieurs fois durant la nuit par le bruit des averses et qu’elle était pourtant annoncée, c’est un départ plutôt tranquille par le piétonnier de Caldas de Reis.
Bref passage par la route, et directement on bifurque vers ce qui va s’avérer être pour une grande partie de la journée un très beau parcours.
Olivier me rejoint rapidement. Olivier, c’est mon compatriote liégeois. Et c’est donc dans notre langue fleurie et de notre plus bel accent que nous discutons. Rien de très personnel cependant.
Je n’ai d’ailleurs développé cette année aucune amitié particulière, telle que j’en ai connu lors de mon premier Chemin ou que j’avais eu sur la voie d’Arles.
Peut-être parce ce Chemin est un peu comme le Norte et comme le Francès est certainement devenu aussi dans une certaine mesure. Je ne les compare pas en soi, ils sont différents dans la distance et dans leurs difficultés. Mais concernant plus particulièrement ce chemin portugais au départ de Porto, même si le mercantilisme n’est pas encore arrivé jusqu’ici, son départ d’une ville ultra touristique, sa facilité d’approche et sa relative courte longueur, son offre en terme d’albergues et ses paysages, en font plus une destination de vacances. Et d’un point de vue très personnel, je trouve que cela se ressent très fort dans les rapports humains.
J’ai limite eu plus d’affinités avec des gens avec qui j’ai peu parlé, parce que j’avais de la compassion ou une certaine forme de respect dans leur démarche, qu’avec ceux avec qui je devisais quotidiennement. Excepté peut-être Olivier et Carolina, la polonaise croisée hier, parce que j’ai ressenti dans leurs propos une réelle empathie et une motivation plus profonde que la simple découverte d’un Chemin dont tout le monde parle…
Mais revenons-en au trajet.
Très beau parcours en forêt durant une bonne partie de la matinée, encore beaucoup d’eau, dans les fossés ou les torrents, qui dévalent des pentes, traverse les sentiers, ou sort même de nulle part à travers les racines, la mousse ou les rochers.
Puis on continuera par les routes, petites pour la plupart, même si Padròn reste une grande ville.
Le seul réel problème aujourd’hui, ce fut les averses. Parce que si le départ se fit au sec, ça n’allait pas durer. Tranquille au début, limite même un peu ennuyant, parce que deux gouttes par ci, 3 goutes par là, à peine le temps d’ouvrir le parapluie qu’il fallait parfois déjà le fermer, et inversement. Et je ne vous parle même pas de ceux qui étaient en poncho 🤣🤣
Sauf qu’après Padròn, le temps a tourné à l’orage, presqu’à la tempête ! Des bourrasques et de la pluie en veux-tu, en voilà !
A tel point que parapluie ou poncho, même combat : on ne suivait pas à chercher des abris. Les plus dépités n’en cherchaient même plus : mouillé pour mouillé, autant continuer !
Ça tombait et ça chassait tellement fort qu’à 900m de l’arrivée, je suis même resté bloqué près d’une fontaine située sous le parvis de l’église, espérant que ça se calme… En vain !
J’ai juste profité d’une petite éclaircie pour filer en hâte, mais à peine 200m parcourus que ça repartait de plus belle ! De véritables trombes d’eau se sont abattues sur moi, j’avais l’impression de revivre l’épisode d’il y a 10 jours 😱😱
Et dire que ce matin, mes chaussures étaient presque sèches. Elles n’auront jamais été si détrempées qu’aujourd’hui !
Et le pire, c’est que ça ne s’est toujours pas calmé et qu’on annonce pareil pour demain !
Note : l’espagnol bizarre et malade dans ma chambre…
J 43 : Cruces – Santiago de Compostela
Il n’y a plus de suspens, vous savez maintenant tous que je suis bien arrivé.
Mais il me restait encore à vous narrer cette dernière journée.
Il semblerait finalement que j’aie été arrosé par la queue de l’ouragan qui a balayé toute la côte atlantique du Portugal et de l’Espagne. Et de fait, dans mon auberge d’hier qui était en réalité composée de toute une petite série de chalet style caravanes, la pluie a tambouriné sur le toit toute une partie de la nuit.
Puis contre toute attente, alors que nous devions également être copieusement arrosé aujourd’hui, ça s’est calmé vers 4 ou 5h du matin.
Même si quelques gouttes résiduelles tombaient encore, je pouvais presque les compter. C’est donc dans une demi-pénombre (ici aussi, on changeait les heures : ça n’est plus nuit noire quand je pars) que j’ai quitté mon petit chalet sous un ciel qui laissait même entrevoir des éclaircies.
Je m’attendais à une journée de routes aujourd’hui. Santiago est une grande ville très étendue, et j’avais encore en mémoire mes deux premières entrées venant du Francès (le Norte rejoignant le Francès, j’étais déjà arrivé deux fois par la même porte).
Certes j’en ai eu, des routes, mais une bonne partie du tracé s’est faite en forêt, et même une très jolie forêt avec encore ses tronçons de voie romaine. Enfin, « voie romaine », c’est vrai qu’on voit ci et là les sillons des charettes, ce qui témoigne bien de son usage. Mais quand je vois l’agencement des pierres, je me dis que les ingénieurs du passé n’étaient parfois pas plus ingénieux que certains d’aujourd’hui.
Sinon, côté routes majoritairement des petites routes qui zigzaguaient entre les maisons.
Juste la fin fut un peu plus laborieuse, quand on s’approche réellement de la ville, quand on nous fait faire des circonvolutions sans fin entre ring, autoroutes et voies rapides.
Par contre, vous vous en doutez, niveau émotions, ce fut chargé. Dès le matin, j’ai été plusieurs fois submergé. Et quand ça déborde, forcément, je pleure. Des larmes de joie et de fierté, bien sûr, mais aussi les larmes d’une fin heureuse. C’est un cocktail au goût doux-amer, difficile à expliquer pour qui ne l’a jamais vécu. C’est même parfois difficile à comprendre pour soi-même. D’autant que chacun le vit différemment suivant l’implication qu’il a mis dans son Chemin.
Pour ma part, en ce dernier jour, je suis dans ma bulle. Limite, faut pas me parler ! Et tout repasse en vrac dans ma tête. Sans forcément de suite logique, mais avec toujours cette même litanie qui revient : « Ça y est, j’y suis. Le Chemin a encore bien voulu de moi ».
Dans mes pensées, les mauvais jours se transforment déjà en souvenir, et lorsque je repense à ce que j’ai vécu, je suis tellement heureux d’être ici et d’avoir tant enduré. Dieu sait pourtant que je n’ai pas été épargné, et ce Chemin est jusqu’à présent et de loin le plus difficile.
Chaque pèlerinage a son lot de difficultés, inutile d’en faire l’inventaire. Et quelque part, elles ont aussi leur sens : quelles soient liées au parcours, physiques ou matériels, elles sont là aussi pour apprendre à nous dépasser, pour nous enseigner un peu plus sur nous même, nous permettre d’accepter et de nous adapter.
Mais je reconnais que ce Chemin ne m’aura rien épargné : des fortes chaleurs tout à fait inattendues jusqu’aux ouragans, des dénivelés abruptes, des plages ou des dunes de sable mou sans fin, des lignes droites monotones et interminables. Et j’en oublie déjà certainement : comme je l’ai écrit ci plus haut : les mauvais jours se transforment en souvenirs. A refaire ? Je signe des deux mains !
Je pense avoir été le seul à avoir vu la cathédrale au loin. Ne nous leurrons pas. Si déjà sur le Francès, peu savent qu’il faut aller jusqu’aux statues des deux pèlerins pour l’apercevoir une première fois, j’ai surtout eu ici le nez fin, ou plutôt l’oeil de lynx au moment opportun ! Ce fut la goutte de trop pour que je lâche les vannes !
Il me restait encore 7km, durant lesquels le pas se fait inconsciemment plus lent parce qu’on n’a pas forcément envie que ça s’arrête.
Puis finalement, forcément, il faut bien continuer à avancer. On rentre dans la jungle urbaine, on croise une foule d’anonymes qui ne nous calcule même pas. On arrive dans la vieille ville, on s’empêtre parmi les touristes, puis on débarque sur la praza do Obradoiro qui sonne le glas de mon parcours.
J’ai toujours ce rituel de mettre genoux à terre. En signe de respect et de remerciement envers Saint Jacques et le Chemin, que je considère réellement comme une entité. Je baisse d’abord la tête, le temps de ravaler mes larmes et prendre une grande respiration, avant de la relever pour découvrir la cathédrale.
C’est la première fois que je la vois si belle, toute propre et débarrassée de ses échafaudages.
Et en moi résonne déjà la promesse de revenir !
(et vous savez quoi : j’ai pleuré aussi en vous écrivant ce petit mot !)
J 44 : Santiago de Compostela, Day off 1
Pensiez-vous que j’allais vous laisser ainsi sans vous raconter ce qui se passe ici ? 🤣🤣
Ben en vrai, il ne se passe pas grand-chose. Parce que nous sommes hors saison, en semaine, et qu’il pleut.
Les touristes se comptent donc à la pièce, le vieux marché est bien dépeuplé, et certains établissements sont même fermés.
Les pèlerins ? Pareil ! J’en ai bien vu arriver quelques-uns aujourd’hui, mais même si ça s’étale sur toute la journée, c’est plutôt au compte-gouttes.
Il faut dire que je n’ai pas vraiment passer mon temps dehors, non plus.
Ce matin, j’ai été chercher ma Compostela : document établi en latin qui atteste de mon pèlerinage et du kilométrage effectué. Et donc au nom de « Lucam ». Ce qui fit dire une fois à mon frère Alain que si un jour il effectuait le pèlerinage, il n’irait pas chercher sa Compostela 🤣🤣
A midi, j’ai été assister à la messe avec la chance d’avoir encore une fois vu le Botafumeiro en action.
Et fin d’après-midi, j’en ai profité pour faire quelques courses.
Decathlon, pour un pantalon long et une polaire (c’est qu’il ne fait pas chaud ici non plus !)
Et la pharmacie…
Parce que si je suis resté une bonne partie de la journée dans ma chambre, c’est que je ne vous ai pas tout dit : depuis hier après-midi, je m’offre une grippe intestinale de merde (c’est le caca de le dire ! 🤣🤣). Par le bas surtout, mais par le haut aussi, si je puis dire…
Et donc aucun appétit, envie de rien, fatigué en permanence, chaud/froid en alternance, etc..etc. Même le seul café du matin n’est pas passé 🤮
Je viens d’ailleurs de risquer de souper, et je le regrette déjà 💩
Moi qui suis rarement malade, aucune idée d’où j’ai été choper ça ! Et il y a intérêt à ce que je sois rétabli pour le retour : 27h de car, en une seule fois, avec une seule « grande » étape de 2h à Tours.
Bon, sur ce, comme je le disais au début, pas grand-chose à raconter…
J 45 : Santiago de Compostela, Day off 2
Il n’y a pas beaucoup plus à dire que hier, mais puisque le pli est pris, je vous écris 🤣
J’ai finalement prolongé d’un jour mon séjour à Santiago. D’abord parce que dans l’organisation du retour, avec les horaires et les correspondances, c’était un peu compliqué de partir aujourd’hui, et qu’en partant demain, ça ne changeait pas grand-chose dans l’heure d’arrivée, et d’autre part, ça me laisse un peu le temps pour que la tempête… intestinale ! se calme ! 🤣🤣💩
Ça allait d’ailleurs un peu mieux ce matin, j’étais plutôt confiant, mais ça a un peu repris en fin d’après-midi. Je croise les doigts pour demain ! Départ prévu à 12h30…
Rester un jour de plus m’aura aussi et enfin permis de profiter d’un ciel un peu plus clément. Du moins comme mes intestins : jusqu’en fin d’après-midi 🤣🤣
Et j’ai donc passé une partie de la journée à redécouvrir une ville que je commence à connaître un peu, mais dans laquelle il m’arrive encore de me perdre et de découvrir de nouveaux coins. L’occasion de prendre quelques photos pour que vous puissiez aussi vous en faire une idée, rappeler des souvenirs à certains, ou peut-être donner l’envie à d’autres de venir, en touriste ou en pèlerin.
J 46 : Retour au bercail
Vous me croyez si je vous dis que même pour le retour, j’ai joué de malchance ? 🤣🤣
Ce Chemin ne m’aura RIEN épargné 🤣🤣
J’ai passé une très bonne dernière nuit dans mon petit hôtel sympa.
Le temps était sec, le sac était bouclé depuis hier soir, il me restait quelques heures à tuer avant mon bus, prévu à 12h50.
C’est long, quand on tourne en rond avec ce mélange de nostalgie et la joie de retrouver ceux qu’on aime.
Je vais y aller chronologiquement, ça sera plus facile :
11h30, je repasse à l’hôtel récupérer mon sac à dos, et un sac à commissions chargé de boissons et de victuailles pour le voyage.
12h, je fais le pied de grue devant la mini mini pizzeria El Rincòn de Bocalino. Juste une porte à rue, des pizzas fraîches cuites au jour le jour et au fur et à mesure, plein de choix de gouts, et en moyenne 1€70 le petit carré. Avec l’intention d’en acheter 3 (prix promo, 5€), un pour manger de suite et deux pour le voyage.
12h20, je patiente à la gare des bus de Santiago.
12h50, le bus est annoncé avec un retard de 20, puis de 30 minutes. Ça sera finalement avec près d’une heure de retard qu’on prendra le départ.
14h (heure approximative), enfin, on roule. Le vent souffle, le car vacille sur l’autoroute, à tel point qu’il a failli taper un véhicule lors d’une manœuvre de dépassement. Je pense que même le chauffeur s’est fait dessus (Ah, petite parenthèse à ce sujet : je suis moi-même complètement rétabli 🙏🤞)
Et ça roule, et ça roule. Il essaye de rattraper son retard, on ne fait quasi pas de pause, tout au plus 2 arrêts de 15 minutes, et les arrêts prévus juste pour charger/décharger d’autres passagers.
5h50, alléluia. On arrive pile-poil à l’heure et entiers à Tours (je n’aurai jamais cru qu’avec en plus la tempête, il parvienne à rattraper son retard !). Ma correspondance est prévue pour 7h20. Sauf qu’il nous débarque un peu au milieu de nulle part, le long d’une route, sur un semblant de parking, sans abri, sans rien. Direction la salle des pas-perdus de la gare, située à environ 1km.
6h50, je m’apprête à quitter la gare quand je reçois un sms : bus annulé, départ différé à 12h30. Sauf que ces abrutis de Blablacar Bus ne modifient pas ma correspondance de 11h30 à Paris ! Il me reste donc à essayer, en vain, de les contacter, ou envisager un plan B, parce que pas sûr d’avoir de la place dans un autre bus pour Bruxelles ou Liège en last minute.
Sur l’appli, une proposition se dessine avec un départ de Tours à 8h15 (ce qui m’évitera d’attendre pour rien), et correspondance pour Bruxelles à 12h55 à Paris-Bercy.
Annulation du voyage précédent, achat des nouveaux billets, emballé, c’est pesé !
8h15, un car bondé, avec des sièges si rapprochés que j’avais l’impression d’être dans un vol Ryanair ! Mais il est là et à l’heure, c’est le principal !
11h30, arrivée dans les temps à la gare des bus de Paris-Bercy. Il ne me reste plus qu’à attendre le suivant.
12h55, annoncé avec 20, puis 30 minutes de retard. Super !
Mais le retard est presque respecté et nous démarrons à 13h35.
L’arrivée était prévue à 17h15 à Bruxelles-midi. J’espérais avoir le train de 17h56. Ça semble compromis. Surtout que…
16h15 (heure approximative), arrêt à Lille (prévu, pour embarquer/débarquer des passagers), contrôle de douanes, trois cowboys en civil avec brassards qui procèdent aux vérifications d’identité, et changement de bus obligatoire 🤬🤬
16h30 (heure approximative), notre nouveau chauffeur, très sympathique en plus, nous préviens déjà avec humour qu’on va arriver en retard à Bruxelles. Arrivée prévue vers 18h.
17h56, il nous débarque tous en pleine tempête devant la porte de la gare de Bruxelles-Midi.
Sauf que voilà… Tempête, justement. Trains annulés, retardés, vitesse limitée, c’est le bordel complet, les écrans d’horaires sont quasiment vides et aucun train pour Liège 😭😭😭
Je parviens néanmoins à interpeller un pauvre agent qui suait des gouttes comme des billes à ne plus savoir à qui ni quoi répondre, qui me dit de garder un œil sur les écrans, que ça s’affichait au compte-gouttes et de manière aléatoire.
18h26, peut-être la seule fois que la chance sera avec moi aujourd’hui : le train de 16h56 apparaît à l’écran comme annoncé avec 1h30 de retard, embarquement immédiat voie 9 !
Je pense que j’ai rarement vu un tel troupeau de passagers s’engouffrer dans l’étroit escalator !
Et voilà, enfin dans le train, qui roule au pas et va faire l’omnibus pour compenser les nombreux autres trains annulés, mais je suis dans le train, enfin !
Dernière ligne droite, je devrais être à la maison vers 21h !
Conclusion : Petit retour sur mon Chemin 2023
Cela fait maintenant un peu plus de deux semaines que je suis rentré.
Le corps a un peu accusé le coup au retour : fatigue intense, difficile à récupérer, et une petite inflammation des tendons au niveau de la malléole du pied gauche. Tout cela est fort heureusement en train de se résorber.
L’esprit aussi, comme à chaque fois, a dû refaire surface : réapprendre le rythme normal d’une vie bien remplie, se plier à nouveau aux aléas et obligations du quotidien, reprise du boulot, etc.
Il est temps maintenant de faire un petit bilan.
Comme je l’avais déjà évoqué, de mes quatre Chemins, celui-ci fut de loin le plus éreintant. Rien ne m’aura en effet été épargné cette année : des kilomètres de sable mou aux falaises abruptes qu’il fallait à chaque fois descendre ou remonter, des fortes chaleurs aux déferlements des ouragans, du balisage qui faisait parfois défaut aux sentiers parfois disparus, de la solitude des perspectives sans fin jusqu’à la gastro à l’arrivée qui m’aura empêché de revoir mes quelques compagnons de marche.
Mais qu’à cela ne tienne, à refaire, je signe des deux mains (sauf pour la gastro!! ) !
Avec le recul, lorsque j’évoque ce parcours, je le divise en 3 parties bien distinctes :
1) Sagres – Lisbonne (Trilho dos Pescadores, le Sentier des Pêcheurs, the Fishermen’s Trail) : je savais que ça n’était pas un Chemin de St-Jacques. Je savais que c’était un trail assez difficile. Mais on me l’avait « vendu » comme magnifique, et je voulais surtout avoir la satisfaction de pouvoir dire que j’étais parti de la pointe sud du Portugal. Je suis content de l’avoir fait. Difficile ? Oui. Parce que beaucoup de dénivelés et de sable mou, et que j’ai de plus dû supporter de fortes chaleurs (parfois jusqu’à 32°c sur du sable blanc et sans ombre) ! Magnifique ? Je m’attendais à mieux. Contrairement à ce que j’avais imaginé (c’est-à-dire en contact permanent avec l’océan), une bonne partie du parcours se fait par l’intérieur des terres ou dans d’interminables circonvolutions par les dunes. A refaire ? Non. Du moins en ce qui me concerne. D’abord parce que trop difficile pour moi, ensuite et surtout parce que justement « pas un Chemin de St-Jacques ». Raison pour laquelle j’ai d’ailleurs « zappé » les dernières étapes de cette première partie, outre le fait que logements pour ces quatre dernières étapes étaient à des prix indécents !
2) Lisbonne – Porto (Trilho das Areias, le Sentier des Plages) : mauvais choix de ma part ! Nous sommes bien d’accord, le seul Chemin officiel qui relie Lisbonne à Porto, c’est le Caminho Central qui passe par Tomar et Coimbra. Mais j’avais eu écho que plusieurs associations et quelques passionnés tentaient depuis quelques années de faire du chemin côtier une alternative au Caminho Central. Et de ce que j’avais pu glaner comme info, ça semblait en bonne voie. J’avais ainsi récupéré un document pdf reprenant la cartographie et une description des étapes, document dans lequel ils mentionnaient également que des accords avaient été conclus avec certains hébergeurs pour appliquer des « tarifs pèlerins ». Dans la réalité, si vous m’avez suivi, rien de tout ça : aucun balisage, pas de trace gpx (sauf pour les 3 premiers jours), et en termes d’accord, 50% dans les campings de la chaine Orbitur, de toute façon 2 à 3 fois plus cher que les autres campings ! Je passais donc mon temps, chaque soir, à définir moi-même mes propres traces gpx avec l’aide des cartes plutôt minimalistes que j’avais heureusement imprimées avant mon départ. Et je logeais tantôt dans des auberges de jeunesse, tantôt dans des campings municipaux, mais le plus souvent dans des « hostels » pour surfeurs. Mauvais choix de ma part, donc, en fonction duquel j’ai éprouvé pas mal de difficultés (en plus de la chaleur intense qui perdurait) et dans un esprit qui n’avait pas non plus le doux parfum d’un pèlerinage. Vous allez me dire qu’en deux jours, j’aurai pu rejoindre le Central et échapper à cet enfer. Mais têtu je suis, têtu je resterai : je m’étais mis en tête de rejoindre Porto par la côte, et je m’y suis tenu !
3) Porto – Santiago (par le Caminho Central) : tout aurait pu bien aller, si et seulement si… Je me faisais une joie d’arriver à Porto. J’allais enfin retrouver les flèches jaunes, des albergues, des pèlerins, des bars et des restos, tous dédiés à notre cause, etc. Et de fait, j’ai eu tout ça ! Sauf que de la veille de mon arrivée à Porto jusqu’à Santiago, j’ai essuyé deux ouragans et la pluie ne m’aura finalement jamais quitté. Que ça soit bien clair : la pluie en soi ne me dérange pas, et au même titre que les difficultés « à taille humaine », elle fait partie inhérente du Chemin, qui plus est au long cours. Mais lorsque le vent s’en mêle et qu’elle devient tempétueuse au point de rendre la marche périlleuse, il faut savoir raison garder !
Enfin bref, je ne vais pas revenir sur les détails que je vous contais chaque jour, il vous suffit pour ça de relire mes comptes-rendus. Ce fut à la fois un devoir et une contrainte, mais un véritable plaisir de vous faire partager ce Chemin, « mon » Chemin, sans faux semblant.
PS : Entendons-nous bien, lorsque je dis que ce fut une contrainte, ça n’est pas dans le sens péjoratif du terme : simplement le fait que je devais chaque jour inclure dans mon planning du soir le temps de rédaction
En quelques chiffres :
Durée totale : 43 jours (17 septembre – 29 octobre), dont 40 jours réels de marche, auxquels il faut ajouter 1 journée off pour le transfert Porto Covo-Setubal et 2 jours d’arrêt forcé à Porto à cause de la météo.
Kilométrage total : 1061km, dont 146km en bus (Porto Covo – Setubal) et 11km en train (Valadares – Porto), soit 904km réellement parcourus à pied.
D + : 13330m (dont 12085 à pied)
D – : 13088m (dont 11852 à pied)