Camino del Norte, jour 1,
Irun – San Sebastian
Contre toute prévision, le ciel fut couvert mais clément, le thermomètre affichant même un bon 20° dès potron-minet.
On m’avait mis en garde contre les dénivelés du Norte. Et s’il est vrai que la mise en bouche des premières heures pique un peu, pour le reste de la journée, je m’attendais à pire. Sauf peut-être les 310 marches mal foutues de San Pedro qui ont bien sollicité les cuisses !
Une première journée en longueur, où les 27 km de départ se sont transformés en 34, la faute à une albergue en rénovation, qui m’a fait faire 3,5 km avant de devoir revenir sur mes pas. Mais ô miracle, la première albergue qui avait précédemment refusé mon inscription car elle affichait complet, vient finalement de m’accepter. La nuit sur la plage se transforme donc en un lit douillet, sur un matelas en plastique, avec un coussin du même acabit, dans un hall omnisports surchauffé, au milieu de 59 autres pèlerins, dont certains jouent de rivalité à qui ronflera le mieux.
Pas sûr d’avoir gagné au change… 😂 😂
Camino del Norte, jour 2,
San Sebastian – Zarautz
Après une nuit partagée entre ronflements et mauvais dormeurs, réveil en fanfare dès 5h par les grands malades qui partent à la fraîche (alors qu’il n’a fait que 27° au plus fort de la journée !). Et c’est sans parler des lumières qui firent plein feu a 6h tapante. Bienvenu en Albergue Land ! 😂 😂 😂
La journée fut encore ponctuée de montées harassantes, et des descentes fulgurantes. Mais si on m’avait prévenu que les genoux encaissent, pour ma part, ce sont mes cuisses qui congestionnent à crever !
Aujourd’hui, j’ai croisé André, grenoblois pensionné qui fait le Chemin à rebours depuis Santiago. Lors de sa première étape sur le Francès, il avait dénombré 915 pèlerins. Hier, sur le Norte, à peine 105. Ce qui vous donne une idée de la fréquentation 😉
Sinon, au chapitre des anecdotes, une arrivée à 14h15 à l’albergue municipale de Zarautz, encore fermée, mais un préposé m’annonce qu’elle y est d’ors-et -déjà complète ! Ça va vite me gonfler ces réservations que j’abhorre ! Enfin bref, au regard de la sympathie de l’hospitaleros, ce soir, ça sera vamos à la playa !
Ah oui, autre fait marquant du jour : pour la première fois de ma vie, j’ai oublié quelque chose à l’albergue ce matin. Et non des moindres : mon matelas de sol !
Du coup, vu que j’avais le temps, ce fut aller-retour en bus Zarautz – San Sebastian pour aller le récupérer, sous les regards médusés de la responsable, qui heureusement pour moi, parlait français !
Allez, c’est tout pour aujourd’hui
Camino del Norte, jour 3,
Zarautz – Deba
J’ai finalement très bien dormi sur la plage, même si l’océan fait un boucan énorme !
Réveillé à 5h12 par le tracteur affecté au nettoyage du sable, je finirai par me lever à 6h pour démarrer une demi-heure plus tard.
Une journée encore une fois éreintante. Avec en plus la fatigue accumulée, je suis parfois presqu’au bout de ma vie ! Mes cuisses brûlent à chaque descente, et les montées se font maintenant a pas de souris !
J’ai fait connaissance avec Matthew aujourd’hui, sud africain du Cap dont le père élève du vin. Il aura vite fait de me dépasser !
Et pour le reste, deviner quoi? Je suis arrivé hyper confiant à 13h15 à l’Office du tourisme de Deba : albergue, 56 places, complète !!!
J’avais toooooute une après-midi à tuer, trop exténué pour continuer.
Ce fut plage, baignade et farniente.
Puis ce soir, c’est encore plage…
Camino del Norte, jour 4,
Deba – Markina
J’ai très bien dormi pour ma seconde nuit à la plage. Reveillé en douceur par l’aube naissante, à quoi bon me presser, puisque ce soir, l’albergue sera de toute façon complète.
C’est paraît-il la dernière dure étape. Encore un peu de dénivelé demain, mais rien en comparaison du passé… Et de cette journée ! Car aujourd’hui, ce fut encore balaise, entre les côtes sans fins et les descentes vertigineuses. Mais mes jambes semblent s’y être habitué, et ça m’a paru beaucoup moins pénible !
J’ai croisé Nicoletta et Veronika, deux jeunes amies slovaques qui prennent tout avec le sourire. Puis un couple de français, qui, alors qu’ils dinaient, m’ont interpellé : aaaah, voilà le belge, on nous a parlé de vous, hier, vous êtes une légende du Chemin
Enchanté de l’apprendre, mais je n’aurai pas d’explication puisque nous fument interrompu par une cohorte d’Espagnols exubérants.
Comme convenu, pas de place à l’albergue. J’ai donc ce soir opté pour une albergue privée au regard du ciel qui se couvre. 😟
Mais une albergue qui n’a rien à envier à la municipale, avec son alignement de lit dans les combles qui affichent au bas mot 35° !
Sans parler de la douche et de l’unique WC, bien évidemment dans le même local !
Et l’italien qui s’énerve déjà de ne pas retrouver ses vêtements qu’il avait confié à laver car il a prévu de DEMARRER à 6h.
( J’ai même eu écho que certains partaient à 4h ! Quel bonheur de profiter du détachement qu’offre le Chemin 😡 😡 😡)
Have a good night !
Camino del Norte, jour 5,
Markina – Gernika
Une journée tout en pluie aujourd’hui ! Et ce que je pensais être au matin un petit crachin de passage s’est avéré être une pluie continue tout au long de la journée !
A tel point que le regard perdu dans mon k-way, j’ai loupé une balise, me suis retrouvé à escalader une colline envahie de fougères dégoulinantes, obligé de tracer ma route à travers champs, avant de retrouver civilisation, en même temps qu’un généreux couple qui m’a proposé de me remettre sur les rails !
Après cela, ce fut une énorme branche qui céda 3 secondes après mon passage, puis aussi une lourde chute qui m’a bousillé le pouce gauche ! Mais j’ai appris plus tard que nous étions des dizaines à s’être vautré là ! A croire qu’ils avaient planté une caméra cachée ! 😟 😟
Les terrains sont boueux, dégoulinants, glissants… Mais ça sera finalement un béton vert de mousse qui aura eu raison de moi !
Mis à part cela, des longues journées de marches en solitaire, entrecoupées de rencontres éphémères. On se voit en journée, on se retrouve en soirée, on partage la même aventure, le même Chemin, mais chacun différemment.
Camino del Norte, jour 6,
Garnika – Lezama :
Une douleur intense m’aura tenu éveillé une bonne partie de la nuit. Car ça n’est finalement pas que le pousse qui a encaissé ma chute, c’est tout le poignet qui a morflé. Plus de force dans les doigts, plus moyen de fermer le poing. J’ai mal…
Aussi ce matin, j’y vais au ralenti. Puisque le déjeuner est offert à l’albergue juvenil, j’en profite. Et ça n’est qu’à 8h largement dépassé que je démarre.
Comme à chaque fois, retrouver ses pas dans une ville n’est pas chose aisée. J’apostrophe une locale, qui me propose de l’accompagner puisqu’elle travaille au bord du Chemin. Et comble du bonheur, elle baragouine un français presque compréhensible !
Une journée sous le soleil, mais c’est une douce et agréable chaleur. Ça réchauffe le moral d’hier, et ça permet surtout de sécher le sac dont même la housse de protection avait fini par déclarer forfait. Contre toute attente, je me suis même décidé à acheter une pèlerine bleu marine, du plus bel effet, je ne vous dis que ça !
Les sentiers détrempés d’hier sont de véritables patinoires aujourd’hui. Wilson me sauve plusieurs fois d’une glissade certaine.
Je ferais étape à Lezama, 12 km avant Bilbao. On avisera demain du trajet à envisager pour quitter la ville. Le choix est cornélien pour rejoindre Portugalete sans s’arrêter à Bilbao : 27 km en passant par la rivière et ses friches industrielles, ou 36 par la montagne, mais avec ses dénivelés et sa longueur…
La nuit porte conseil !
PS : le poignet va déjà beaucoup mieux. J’ai récupéré environ 60% de ses capacités. Encore un peu mal, et gonflé, mais c’est gérable, et je sais à nouveau presque serrer le poing normalement 😊 😊
Camino del Norte, jour 7,
Lezama – Portugalete
Je suis le dernier à quitter l’albergue ce matin. Direction Bilbao, sans aucune envie de m’y attarder. J’avale rapidement les 12 km qui m’en séparent en ne faisant du Mont avril, seule difficulté de la journée, qu’une bouchée.
Nous sommes au septième jour, et les douleurs ont fait place au bonheur de marcher.
Lorsque je croise les premières barres d’immeubles, je ferme les écoutilles. Bilbao me semble pourtant bien beau, mais non !
Je zappe à regret la cathédrale, pour me diriger vers le Guggenheim.
Là, par contre, contre toute attente, c’est un choc émotionnel que je ne m’explique toujours pas. J’y resterai un long moment à admirer ce magnifique bâtiment qui est une oeuvre en soi !
Puis je me décide finalement à longer le rio, pour me rendre à Portugalete.
On m’avait prévenu : des quartiers pauvres, des friches industrielles, c’est sale, ça pue, etc.
Et bien finalement, j’en avais pris mon parti, et je n’ai pas trouvé ça si terrible ! Il y a une certaine esthétique, parfois même de la poésie dans ces paysages délabrés.
Portugalete, son pont transbordeur, le plus vieux au monde, patrimoine classé.
J’arrive juste à temps pour bénéficier d’une place à l’albergue municipale. Ouf…
J’y retrouve Francis et Virginie, Laura, Arnaud, Thomas. On s’entend bien sûr ce chemin de compet’, car nous ne sommes justement pas dans cet esprit. Ultreïa !
Camino del Norte, jour 8,
Portugalete – Castro Urdiales
Si le début du trajet fut plutôt mitigé, sur cette interminable piste pourtant bien aménagée, c’était pour mieux apprécier ce qui nous attendait.
Car ce fut aujourd’hui un festival de vues à perte de vue, de rochers escarpés découpés à la hache, fouettés par un océan déchaîné, et des plages immenses aux vagues tumultueuses.
Seul bémol, une météo capricieuse alternant petits grains et éclaircies. Juste assez pour mouiller, pas suffisant pour sortir la grosse artillerie !
Je suis arrivé à temps pour bénéficier d’un logement à l’albergue municipale de Castro Urdiales. Enfin, une tente au fond du jardin, mais c’est mieux que rien, et j’y suis très bien !
À demain…
Camino del Norte, jour 9,
Castro Urdiales – Laredo
C’était la fête à la limace ce matin ! Il a plu toute la nuit, et encore ce matin, le ciel hésite, préférant indéniablement le gris humide !
Tant et si bien que je pars couvert, la pèlerine à portée de main.
Les premiers kilomètres seront plutôt agréables, puisqu’on quitte vite la ville pour voguer à travers la campagne, jusqu’à traverser une magnifique et féerique pâture peuplée de paisibles vaches qui nous regardent nonchalamment passer.
Mais cet interlude ne durera pas puisque le reste ne sera que route passante, côtes ( et je ne parle pas de l’océan !) et averses !
Il me faudra attendre l’après-midi pour enfin apercevoir un coin de ciel bleu, alors que j’arrive au terme d’une étape de 27 km.
La recherche d’un gîte va s’avérer également pénible cette après-midi. De refus en coup de fil, c’est dans une ultime tentative que je suis accueilli à l’accueil chrétien du monastère.
Et c’est après un très bon repas confectionné et pris en commun que je vous écris du fond de mon lit… Pas sûr cependant qu’une salade de pois chiches fut un choix judicieux avant un nuit en dortoir commun. 💨 💨 💨
À demain… Si je ne meurs pas asphyxié d’ici là ! 😂 😂
Camino del Norte, jour 10,
Laredo – Güemez
Si je tenais l’enfoiré qui a oublié de désactiver son réveil et qui a mis 20 mille ans pour le couper 😡 😡 😡
Nous n’étions pas pressé ce matin ! PERSONNE, puisque le premier bateau qui nous permettait de traverser vers Santona n’est annoncé qu’à 9h.
C’est donc à mon aise que je parcours les quelques kilomètres qui me séparent de l’embarcadère.
Mais une fois sur l’autre rive, nous nous serions cru à un départ de Grand Prix. Et pour une fois que j’étais quasi en pole position, j’ai brûlé de la gomme pour prendre la tête. On se serait les coudes, je sentais que la concurrence était rude sur mes talons, et les cliquetis des bâtons témoignaient d’une lutte féroce !
J’avais deux alternatives aujourd’hui : longer la côte, avec d’importants dénivelés, ou partir par les terres, plus court, plus plat, mais certainement moins bucolique.
J’ai pris le temps de réfléchir, jusqu’à ce que je voie le peloton virer vers la côte. Mon choix était fait : je les grillerai par les terres, et j’aurai en sus le Chemin à moi tout seul !
Je fais étapes chez le Padre Ernesto ce soir, une halte incontournable.
Après avoir parcouru le monde, il a créé l’oeuvre de sa vie au coeur de sa maison natale, et tous les volontaires qui l’accompagnent n’ont qu’une seule règle : partager sa philosophie pour que perdure l’accueil qu’il réserve à chaque pèlerin.
Repas commun, bien évidemment, et préparé par un excellent chef !
Je terminerai ce billet en vous parlant d’un trio croisé quelques encablures avant d’arriver. Alors qu’ils hésitaient sur le trajet et que je les rejoints, qu’elle ne fut pas ma surprise lorsque l’une d’elle s’écria : « N’êtes-vous pas le Pèlerin qui pique ? Vous êtes une célébrité ! Je vous lis tous les jours et je me demandais quand vous nous rattraperiez… »
Voilà qui est fait 😉
Et donc, de légende, je passe à célébrité 😂 😂 😂
Je m’en vais donc détacher un bouton de mon encolure, avant de vous saluer pour la suite des aventures 😂 😂 😂
Camino del Norte, jour 11,
Güemez – Santa Cruz de Bezama
Padre Ernesto nous a fait l’honneur ce matin de nous rejoindre au déjeuner (nb : amis français, je suis belge ! Il faut arrêter avec votre aberration de « petit déjeuner ». Le matin, on déjeune, on enlève le jeune de la nuit. Pourquoi « petit »??? 😂 😂 😂).
Il dégage de cet homme une sagesse et une bienveillance paternelle qui nous rassure. Et c’est sur ses bons conseils que nous prenons donc tous la direction du littoral pour un sentier qui allait s’avérer de toute beauté !
À flanc de falaises vertigineuses, par de petits sentiers, nous rejoignons la plage de Somo, avant d’embarquer vers les quais de Santander.
Un interlude à voguer, avant de se voir confronté à la foule de touristes et à l’intense activité que représentent cette très importante cité.
A l’instar de Bilbao, je dois cependant reconnaître que même si je n’ai pas pris le temps de la découvrir, Santander semble pourtant être une très belle ville.
Mais je n’y ferai pas halte, préférant rallier le village suivant où une albergue à l’accueil parait-il exceptionnel m’attire.
Et de fait, à peine arrivé que Marie-Neige (dans un français parfait) et son mari nous ouvrent les portes de leur maison où règne ici un agréable bien-être !
C’est un accueil « à l’ancienne », j’entends par là dans un véritable esprit de partage et de générosité, de convivialité et de spontanéité. Ici, rien n’est compliqué, et ça fait du bien, après la course des premiers jours !
Le repas préparé par ses soins est aussi simple que succulent. Et se passe dance familiale. J’ai trouvé ce soir en Diulio, italien et acteur de théâtre, un comparse de blague et de franche rigolade.
Camino del Norte, jour 12,
Santa Cruz de Bezana – Santillana del Mar
Aujourd’hui, je prends le train. Non pas que j’aie décidé de biaiser, mais il est interdit d’emprunter le pont ferroviaire à pied (en théorie… Et puis c’est dangereux !!!), et prendre le train évite un détour d’une dizaine de kilomètres. Et donc… Tous les pèlerins, sauf les distraits ( qui ratent l’embranchement vers la gare) ou les téméraires, prennent le train pour une seule station permettant de passer le pont, et je ne fais pas exception.
À la sortie du train, c’est de nouveau un troupeau qui s’élance à l’assaut des routes. Car de routes, il en sera question toute la journée ! 😟 😟
Des paysages un peu ternes, donc, même si bordés de vert et fleurant bon la campagne.
Je m’en fais une raison et marche donc la tête relevée.
Lorsque j’arrive à Santillana, je suis surpris de trouver un superbe et gros village médiéval. Les rues sont remplies de touristes, les échoppes empiètent sur les rues grossièrement pavées de galets. Ça grouille de partout !
Il est à peine 14h, je rentre dans la cour de l’albergue, et les pèlerins déjà présents, a priori tous espagnols, m’accueille d’un tonitruant : » El ultimaaaaa ! »
Je suis effectivement le seizième pour un gîte qui comporte… 16 places, et j’attends comme tout le monde, 16h, heure d’ouverture des portes.
Sauf qu’à 16h, ces gnols, ils avaient mal compté : j’étais le 17ème.
Et malgré d’âpres négociations avec la pauvre employée qui n’en pouvaient rien, celle-ci décida qu’elle n’avait rien entendu : je pose mon sac, prends une douche, fais mon linge… Et reviens vers 22h pour récupérer mes affaires.
« Oui, mais… « , allez-vous me dire ? L’idée était de dormir par terre dans le hall de l’albergue, les autres pèlerins m’ouvrant la porte après l’extinction des feux. Mais je préfère le préau à côté, au frais et au calme, afin d’éviter les problèmes en cas de contrôle.
Hasta luego…
Camino del Norte, jour 13,
Santillana del Mar -San Vincente de la Barquera
Il a fait un peu frais cette nuit. Et puis rien n’y fait, quand on bivouaque, on a le sommeil léger, comme si les sens restaient en alerte.
Du coup, j’ai entendu les premiers partir… À 5h30 ! Jusqu’au dernier, à 6h45 !
Ça n’est qu’après que je me suis levé, pour découvrir un gîte jonché de choses oubliées. Ça peut arriver, je n’en disconviens pas, mais là : deux livres, une culotte, une brosse à dent avec le dentifrice, un savon, un gant de toilette, une pomme, et une paire de bouchons d’oreilles. Enlalaaaaaa…
Bref, à 7h30, je prends le départ pour un trajet qui allait s’avérer relativement agréable. On parle toujours d’asphalte, mais à travers bon nombre de petits hameaux, de villages, entrecoupés de bords de mer.
J’arrive super tôt à Comillas, étape prévue du jour. Mais après mon expérience d’hier, je me dis à Dieu va ! Et je continue jusqu’à San Vincente, où je sais qu’une albergue de 44 lits me laisse une chance de dormir à l’abri.
Et c’est bingo, même si le trajet m’a paru interminable. Car si les décors furent magnifiques, il semblerait que je sois tombé en pleine heure de pointe-plage, et obligé de zigzaguer entre des véhicules figés dans les embouteillages. Pénible, au point que je pestais tout seul et à voix haute, mais en français, contre ces automobilistes du dimanche !
Et avec 34 km au compteur, sous un soleil de plomb, je ne suis pas mécontent d’arriver.
Camino del Norte, jour 14,
San Vincente de la Barquera – Puendeles
Je flemme un peu ce matin (tiens, je viens d’inventer un nouveau verbe). Mes pieds ne me disent pas merci pour les 34 km d’hier, et ils ont du mal à se remettre en route. Je sais que je peux leur faire confiance, mais je dois leur laisser le temps. Ils font juste un peu la gueule, normal (pour ceux qui ne connaissent pas mon histoire, je vous invite à aller lire la page d’accueil/intro de mon site http ://www.peregrinos.be)
Alors je flemme un peu, je rempile mon sac tranquille, je traine au déjeuner ( le matin ! Je suis belge !!!!!! 😂 😂), j’en profite pour discuter un peu avec Jérémy, jeune bénévole qui s’est posé ici quelques jours alors qu’il était en Chemin. Il me réexplique le trajet du jour, avec ses petits tuyaux qui vont s’avérer être des perles !
J’ai tout d’abord le choix entre deux alternatives. Toutes les deux asphaltées, toutes les deux roulantes, donc du coup, autant prendre la plus courte.
Mais après quelques kilomètres, je ne dois surtout pas manquer un minuscule passage entre les buissons, boîte de Pandore d’un monde magnifique.
Quittant donc la route, me voilà en quelques mètres au milieu de près parsemés de rochers affutés par le vent et les embruns, aussi tranchants que des lames de rasoir !
À la droite, les bufones, des cheminées creusées par la mer dans lesquelles elle s’engouffre à marée haute pour exploser tel un geyser.
Plus loin, après moult sentes à peine perceptibles se confondant avec les passages des vaches, seules locataires des lieux, je découvre la plage secrète de Cobiheru, une véritable dépression au milieu des terres, alimentée par une mer qui s’est frayé un passage créant un véritable pont de pierre. Pont sur lequel j’ai du passé en redoublant d’attention tant les rochers sont méchants !
Enfin, j’arrive par ces sentiers directement à Puendeles, où m’accueille Javier, qui a organisé sa vie et sa maison au service des pèlerins, allant même jusqu’à laver nos vêtements et nous préparer le repas !
Il me reste donc à me reposer, car si j’en crois mes calculs, ils risquent encore de me faire un peu la gueule les deux zik au bout de mes jambes : demain, c’est parti pour 30km !
Camino del Norte, jour 15,
Puendeles – Pineres de Pria
Je pourrais encore vous raconter aujourd’hui les paysages traversés, ces près qui jouxtent l’océan, ces forêts d’eucalyptus qui me donnent l’impression de marcher au milieu d’un pot de Vicks (une référence que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître🎶 🎶 🎶), les moutons et leurs cloches qui m’accompagnent à longueur de journée, ces bufones, qui même si encore aujourd’hui la marée n’était pas à son apogée, m’ont permis de ressentir ce que j’appellerai le souffle de la terre. Je pourrais vous parler aussi de ces vallées encaissées où coulent de paisibles arroyo, ou encore des ces festivités du 15 août, où dans le moindre village se profile une procession, et où une kermesse me fait revenir au temps de nos grands-parents.
Je pourrais… Mais aujourd’hui, je vais vous parler d’un cadeau que le Chemin m’a offert.
Au détour d’un pré, alors que toute la matinée, j’ai croisé une foultitude de pèlerins et de touristes endimanchés, voilà qu’enfin je me retrouve seul, quand mon attention est captivée par un fermier occupé à aider sa vache à vêler. Je dégaine mon appareil photo, prêt à capturer cet instant magique, lorsque d’un regard, il me fait comprendre qu’il a besoin d’aide.
Ni une, ni deux, sans hésiter, je passe la clôture, et cours vers lui tout en détachant mon sac pour m’en débarrasser au plus vite. Entre temps, il avait déjà attaché les deux bouts de pattes qui sortaient à peine, et sans un mot, me tend une des cordes. Un, dos, tres, venga ! Un, dos, tres, venga ! De toutes nos forces, jusqu’à en avoir la marque imprimée dans mes chairs, nous tirons. Et je vois un bout de museau, puis la tête, et en un clin d’œil, c’est la délivrance. Je suis ému aux larmes. Devant moi, ensanglanté mais vivant , se trouve un nouveau né que la mère commence déjà à lécher.
Je resterai deux bonnes heures à admirer ce veau, attendant fébrilement qu’il se tienne sur ses pattes, observant la vache faire des aller et retour en meuglant pour l’encourager à se lever. Normalement, ça prend environ une heure, m’a confié le fermier. Mais c’est un gros bébé, grand et costaud, c’est un beau taurillon, qui a du mal à trouver son équilibre sur ses pattes encore toutes frêles, à tel point qu’au bout de deux heures, même le fermier s’en est inquiété et l’a aidé à se lever.
Une fois rassuré, il s’est tourné vers moi en me demandant mon nom pour me remercier… Et par la même occasion baptiser son nouveau veau, né d’un père blond d’Aquitaine, et d’une vache cantabrique.
Donc dorénavant, si vous passez par Poò, demandez donc après Luc le taureau ! 😂 😂
Camino del Norte, jour 16,
Pineres de Pria – La Isla :
Je ne vous ai pas conté la fin de ma journée d’hier…
Luc le taureau, bien qu’encore chancelant, faisait ses premiers pas. Je serais bien encore resté près de lui, mais l’heure avait tourné, et à 15h30, il me restait encore 14km à marcher si je voulais atteindre l’objectif d’une albergue municipale à un prix raisonnable.
Heureusement pour moi, la femme du fermier, qui était venue apporter les premiers vaccins, comprenant mon problème malgré nos différences de langages, m’a demandé le numéro et a téléphoné pour moi, en expliquant, je suppose, la situation et ma présence qui aura permis à Luc le taureau d’être sain et sauf. Et l’hospitalière compréhensive m’assura qu’un lit m’attendra, quel que soit l’heure.
Je vais cependant avaler les 14 km à une vitesse qui ne me ressemble pas, et j’arrive vers 18h à mon lieu de villégiature… Mais sans rien d’autre à manger que mon vieux pain et un morceau de saucisson ! L’expérience vécue en valait la peine, même si j’aurai préféré un repas plus conséquent.
Mais juste avant d’arriver, voilà que je croise deux amies, dont une me reconnait de m’avoir vu quelques jours auparavant. Et dans la conversation, elle décide de m’offrir le repas.
Et leurs sacs s’avèrent être une véritable épicerie : salade, piment, charcuterie, fromage, huile, vinaigre, pâtes, thon, même une bouteille de vin. Et ce soir, je suis leur invité.
Mieux que cela, alors que vu l’heure tardive, nous avions convenu de « partager » un séchoir, j’ai même retrouvé mon linge encore tout chaud replié sur mon lit.
Je pense que hier, heureux mais exténué après cette expérience et 37 km, j’ai croisé la route de deux anges que je ne reverrai sans doute jamais.
Quant à aujourd’hui, ce fut tout en douceur. Un petit parcours de 22 km, durant lequel l’océan jouera à cache-cache au gré du relief.
Le soleil brille, les plages sont animées de touristes en vacances, je regarde parfois les plaques des véhicules, mais rarement de belges à l’horizon. Je suis par contre étonné par le nombre de mobile-home et de vans aménagés, font parfois certains, de vraies ancêtres !
L’albergue est sympa, municipale, sans fioritures, mais avec tout ce qu’il faut. L’occasion pour moi de réitérer ma recette de pâtes aux sardines 😜 😜 😜
Par contre, les excès des deux jours précédents ne sont pas sans conséquences : j’ai une espèce d’ampoule bizarre à la base du petit doigt de pied droit, sous cutané, avec une peau très épaisse, sans liquide, et très douloureuse. Une sorte d’escarre, plutôt ! Du coup, j’ai essayé de soigner selon ce qu’on m’avait enseigné il y a deux ans: retirer les peaux, désinfecter et appliquer un pansement permanent jusqu’à guérison… Je croise les doigts !
Camino del Norte, jour 17,
La Isla – Villaviciosa
Ce fut un jour sans, aujourd’hui. Il en fallait bien un…
L’espèce d’ampoule, qui finalement tient plus d’un mix entre l’abcès et l’escarre, me fait atrocement souffrir.
Elle est située sous l’avant du petit doigt de pied droit, un endroit sur lequel on prend forcément appui à chaque pas ! Et elle se rappelle bien à moi…
Mes tentatives de soins n’ont finalement pas servi à grand chose, je vais devoir composer avec quelques jours.
Ajouté à cela la fatigue des derniers jours, et des pieds qui restent obstinément raides chaque matin, les premiers kilomètres sont difficiles.
Enfin bref, ce fut une journée sans !
Et ça n’est pas le trajet du jour qui allait compenser ces déboires : de l’asphalte, encore et toujours de l’asphalte, parfois en longeant l’autoroute, et quand enfin on emprunte un sentier, celui-ci est fait d’un grossier empierrement qui tue les pieds à chaque enjambée.
Et quand c’est un jour sans, je fonctionne en mode radar, j’avance, l’esprit vide et fermé, avec l’unique idée d’arriver. Et donc, pas grand-chose à vous raconter…
J’approche de Gijòn. Et c’est de nouveau la crise du logement. J’ai la chance aujourd’hui d’être tombé sur Montse, qui malgré son albergue archi complète, a monté quelques tentes dans son jardin. Il fait chaud, le terrain n’est pas droit et rocailleux, mais j’ai pu prendre une douche, faire mes lessives, et manger « comme à la maison » préparé par ses soins.
On verra pour demain, ça ne s’annonce pas bien, mais ce n’est pas ça qui va me tracasser 😂 😂
Camino del Norte, jour 18,
Villaviciosa – Deva
Le gîte étant complet, j’ai finalement été invité à dormir sous tente. Et bien, croyez-le ou non, ça me convient bien. J’organise mon espace, je suis seul, je prends mes aises, et puis surtout, pas de ronfleurs, de mauvais coucheurs, ou de pisseurs ! Lol. C’est dingue ce que les gens vont aux toilettes durant la nuit ! 😂 😂 😂
Pour la première fois, j’ai mis mon réveil ce matin. Nous approchons de Gijón, et comme à l’approche de chaque grande ville, les « wagons » se resserrent : c’est de nouveau la crise du logement. Seule possibilité, un camping, 4 km avant, qui offrent 36 lits, sans réservation possible, et donc premier arrivé, premier servi !
Du coup, je démarre à 6h45, dans le noir, traversant Villaviciosa encore endormie. Et je trace… Avec une étonnante facilité en regard des douleurs d’hier. Mes pieds ne rechignent pas, et mon ampoule-abcès-escarre s’est vite faite oubliée.
C’est aujourd’hui que le Chemin se divise entre ceux qui vont opter pour les terres et le Primitivo, ou ceux qui, comme moi, continuent par la côte.
Jusqu’à cette borne et un peu au-delà, tout allait bien. C’est après que les festivités ont commencé, par un dénivelé de 340m, par paliers, et avec une pente moyenne de 10%. Autant vous dire que j’ai bien dégusté !!!
Mais mes efforts auront porté leurs fruits, puisque j’arrive quasi en tête au camping. Seul un groupe de jeunes espagnols (8), qui dormait dans la même albergue que moi, et qui pourtant, j’en suis certain, est parti après moi, est déjà là. Il y a anguille sous roche…
Demain, c’est la traversée de Gijón. Impossible d’y trouver place, et sauf omission dans les guides, aucune albergue avant 30 km ! Ça promet…
PS: concernant l’ampoule, elle suinte pas mal, et ça sent la mort, mais c’est plutôt bon signe, le mal s’évacue. J’ai nettoyé, désinfecté et refais un nouveau pansement. Tout va bien… Même si c’est encore hyper sensible !
Camino del Norte, jour 19,
Deva – Avilès
J’avais décidé de partir tôt ce matin. J’avais eu écho que toutes les albergues privées d’Avilès affichaient complet, et j’avais donc quelques craintes quant à l’albergue municipale, bien qu’elle offre maintenant 80 couchages !
Mais alors que je pensais avoir bien choisi mon lit hier soir, près d’une fenêtre et avec une prise « privée », je n’avais pas tenu compte de l’absence de tentures et de la présence d’un néon juste devant qui allait rester allumé toute la nuit !
Résultat : chaque fois que j’ouvrais un oeil, j’avais l’impression qu’il faisait jour, je regardais l’heure, puis me rendormais illico. Et du coup, ce matin, quand j’ai entendu les autres s’agiter, je ne me suis pas inquiété, persuadé qu’il était 5h30 ! 😂 😂 😂
C’est donc à 7h15 que je me rends compte qu’il est peut-être temps de bouger mon gros c.. si je veux espérer avoir un lit ce soir ! 😂 😂
Traversée de Gijón pour commencer. Et n’en déplaise à mes amis asturiens, cette ville ne m’a pas transcendé, à l’inverse de Bilbao ou Santander qui m’avaient semblées assez jolies.
Peut-être est-ce du à la grisaille, ou la perspective d’une journée de 30km.
J’y ferai cependant halte dans un bar pour mon premier « café qu’on lèche » avec une part de tortilla et un pain au chocolat ( Oli, tu te reconnaîtras 😉).
Par contre, on m’avait annoncé une sortie de ville terne, pénible, catastrophique. Bon, certes, ce n’est pas folichon, mais pas pire qu’ailleurs ( je pense à Bilbao, Logrono, Limoges, et même Liège !), et finalement, j’ai survécu.
C’est plutôt l’arrivée sur Avilès qui m’est tombé comme un coup de massue, avec cette autoroute en permanence comme toile de fond, extrêmement passante et bruyante !
J’arrive à destination à 15h30, et c’est loin d’être complet. Je respire…
Camino del Norte, jour 20,
Avilès – Muros de Nalòn
L’avantage du Norte, c’est qu’on ne sait jamais à quoi s’attendre. Tant au niveau paysages que de la météo, ça change tous les jours !
Et à la terne journée d’hier a succédé aujourd’hui une belle journée ensoleillée, et des sentiers forestiers très agréables.
La seule constante, pour le moment, c’est mon doigt de pied qui me fait ch…
Départ au ralenti, donc, le temps qu’il trouve sa place et que mon corps produise suffisamment d’endorphines pour supporter la douleur. C’est l’histoire d’une paire de kilomètres, et c’est parti…
Un beau parcours, qui commence par la traversée de la ville quasi déserte, avant de grimper sur les hauteurs pour apercevoir un peu l’océan.
Le reste ne sera que forêt, tantôt par de petits sentiers, tantôt par de larges allées, bordées de fougères, d’eucalyptus et de ronces dont je m’empifre de mûres bien mûres !
Mais un long parcours… Annoncé dans mon guide à presque 39km, je me sens bien mal dans mon état d’arriver au bout. Et malheureusement, comme trop souvent sur ce Norte, les albergues municipales font défaut.
C’est donc dans une privée que je ferai halte après 22km. Grand jardin, transat, hamac, service à table, lits espacés d’un bon mètre, lumière et prise individuelles, et petit dortoir de 12 personnes, ça change. Et l’Estrella Galicia étonnement à seulement 1,80€ la bouteille de 33cl !
Bonne nuit…. 😴 😴
Camino del Norte, jour 21,
Muros de Nalòn – Santa Marina
Drôle de blague, ce matin ! On m’a volé mes semelles. On pourrait en rire, si on ne sait qu’il s’agit de semelles orthopédiques, faites sur mesure par un orthopédiste spécialisé en médecine sportive, et spécifiquement dimensionnées à ma malformation (https://www.peregrinos.be/95/).
Gros stress, recherche effrénée, sans succès et avec toutes les excuses et les efforts désespérés des deux jeunes filles de l’albergue privée. Elles n’y peuvent rien, les pauvres, mais me voilà bien embêté ! L’une d’elle prend même l’initiative de téléphoner à la pharmacie pour expliquer mon problème et ma future arrivée.
Me voilà donc équipé de semelles standards, inadaptées, et je sens bien la différence, mais c’est mieux que rien… Alea jacta est !
Joli parcours ce jour, partage entre routes champêtres et voies littorales.
Merci à l’Ancien, qui malgré la différence de langage, a su me conseiller un trajet qui m’a fait passer par le viaduc de la Nationale désaffectée. On se serait cru dans un remake de Duel, mais quelle vue, et surtout, quel calme, à 100 m du plancher des vaches, alors que j’observe amusé les autres pèlerins déambuler dans d’interminables S sur des sentiers escarpés.
Arrivé à Suita de Luina à 12h30, je me voyais mal m’arrêter en si bon Chemin. Et j’ai donc poussé jusqu’à Santa Marina, pour une privée mais que cette fois je ne regrette pour rien au monde. Tout est dans son cru, du bar à la pension, avec en prime une chambre privée !!!
Quant au Chemin en soi, le sentier côtier n’aura jamais si bien porté son nom : merci à l’appli « maps.me » qui m’a permis de découvrir des chemins de traverses insoupçonnés 😉.
Chambre privée donc, avec des vrais draps et une couverture, cania grande à 2€, et une bouteille de vin COMPLETE incluse dans le menu. Autant vous dire que j’ai du mal à trouver les touches pour vous écrire !
🙃 🙃 🍷 🍷 🍷 🙃
Camino del Norte, jour 22,
Santa Marina – Almùna
La pensiòn Prada de Santa Marina mérite une mention spéciale dans ce billet. Elle est bien tenue, propre, agréable, avec, pour 15€/pers., une vraie chambre ( 2 lits séparés, et si vous êtes tout seul, vous avez la chambre pour vous tout seul !), équipée de vraies lits, avec de vrais draps, un essuie éponge blanc (et vous ne mesurez pas le bonheur simple que cela procure), une salle de bain pour 2 chambres (soit max 4 pers.) avec douche, lavabo, WC et bidet, et à moins de 100 m, le bar-restaurant, tenu par le même patron ( pas con le mec, business is business ! 😂 😂 😂), avec la grande bière (33cl) à 2€ et le menu pèlerin à 9€.
J’ai donc dormi comme un bébé, avant de me lever ce matin pour aller prendre mon déjeuner au bar (inclus dans le prix de la chambre).
Très joli début de parcours aujourd’hui, jusqu’à Cardavedo, avec de beaux sentiers, de jolies forêts, et quelques vues sur un océan particulièrement calme.
Après, c’est un peu plus roulant, avec parfois une Nationale à emprunter ou une autoroute à longer, mais ça va, on ne va pas crier au scandale ou à la catastrophe.
Les pommes et les poires commencent tout doucement à mûrir, et j’en maraude parfois aux branches qui surplombent le Chemin. C’est juteux et rafraîchissant, et ça goûte encore mieux quand on a l’impression de manger ça comme un enfant faisant l’école buissonnière.
J’arrive sur Lluarca.. Mais c’est fiesta aujourd’hui, et tout affiche complet au centre-ville. Du coup, j’ai fait arrêt juste avant, à Almùna, dans une albergue municipale un peu perdue au milieu de nul part, et si il n’y avait eu le bar et quelques amis pèlerins pour discuter et prendre un pot, on se serait bien fait ch… comme des rats morts ! Dommage pour la fête, mais il devait en être ainsi…
Camino del Norte, jour 23,
Almùna – La Caridad
Une journée un peu fade aujourd’hui, et pour tout vous dire, pas grand-chose à vous raconter.
Je quitte l’albergue d’Almùna dans une demi-forme. J’ai d’abord passé une très mauvaise nuit, sans raison apparente, puis ce fut un cycliste qui a décidé de prendre une douche avant son départ , à 6h du matin, en réveillant toute la chambrée. Enfin, fatigue ou faute de semelles adéquates, des douleurs réapparaissent, notamment le genou gauche, des pieds qui mettent à nouveau du temps à s’échauffer, et mon ampoule qui a décidé de se rappeler à moi.
Le trajet ne fut pas non plus des plus folichons, avec beaucoup de routes, certes rurales ( j’ai vu 2 voitures et 3 vélos sur toute la matinée), mais route quand même ! Des décors insipides, des villages sans trop d’âmes, rien qui ne donne vraiment envie de s’extasier et dégainer l’appareil photo.
Je ferais une longue pause à Nueva. Assis sur un banc, je mange tranquillement en observant les gens et en imaginant leur vie, avant d’entamer les derniers 10km qui me séparent encore de La Caridad.
Demain, dernière étape du Chemin côtier. Je quitterai ensuite l’océan pour traverser la Galice et rallier Santiago.
Camino del Norte, jour 24,
La Caridad – Ribadeo
Second day off d’affilée, avec en prime une sale petite pluie.
23 km aujourd’hui, petite journée, mais avec la crainte de trouver une toute petite albergue (seulement 12 places) complète.
Ça tombe bien, réveil matinal à La Caridad, dans un dortoir constitué d’une pièce unique dans laquelle donnent les WC, les douches et la cuisine. Autant dire que le premier éveillé a sonné le clairon ! 😂 😂 😂
Départ dans une semi-pénombre, sous une bruine épaisse qui ne fera qu’empirer tout au long de la matinée.
J’avais le choix entre deux chemins : le côtier, mais sans promesses, et la campagne. Du coup, et étant donné l’urgence d’arriver, j’allume exceptionnellement mon MAPS.ME qui m’enverra paradoxalement sur une troisième voie, bien plus courte que les deux autres ! La bonne affaire…
Un trajet tout en asphalte, pour arriver à l’entrée du pont qui surplombe la baie de Ribadeo. Impressionnant de se retrouver ainsi à plusieurs dizaines de mètres au-dessus de l’eau.
J’arrive dans les temps, tout juste, pour avoir une place ( à 5 minutes près, c’était cuit !).
Il est super tôt, mais ça me fera du bien de me reposer une peu.
Je me fais mes traditionnelles pâtes en arrivant, avant une crapuleuse sieste de 2h.
Découverte de la ville, où j’y retrouve des amis, de quoi prendre un verre et deviser sur la journée. Ce sont ces moments qui pour moi sont le plus important…
Camino del Norte, jour 25,
Ribadeo – San Xusto
Étrange sensation que de se réveiller à 8h24… Et de constater que bon nombre dorment encore à poings fermés !
Il faut dire que la nuit fut perturbée jusque 5h du matin par une musique genre festival a quelques centaines de mètres de l’albergue.
Et donc, ce matin, comme à mon habitude lorsque vers 6h, j’entends les premières alarmes sonner, je me retourne et laisse les gens s’agiter.
Je m’étonnais bien de ne pas entendre grand chose, et lorsque j’ai ouvert les yeux pour la seconde fois, il était donc 8h24, et tout le monde roupillait !
Je me lève, en même temps que trois autres, on déjeune tranquille, on amène nos sacs dans le hall pour ne pas réveiller les autres.
Par contre, la femme d’ouvrage qui est arrivée à 9h était furax, au point d’appeler la police pour nous faire dégager 😂 😂 😂
J’étais prêt, je n’ai pas demandé mon reste, et je suis parti.
Je quitte l’océan pour m’enfoncer dans la vallonnée et verdoyante Galice, dernière ligne droite avant Santiago.
Les bornes indiquent maintenant le kilométrage, et se succèdent à chaque croisement, au point d’avoir parfois l’impression de ne pas avancer !
J’étais parti pour 28km… Mais vu l’heure de départ tardive, et mon genou qui fait des siennes, je m’arrêterai après 23km, dans un gîte où je serai le premier à m’installer (Finalement, nous sommes 5).
Un village un peu désert, où seul le bar fait office de lieu de vie et de distraction.
Devinez donc où je passerai l’après-midi… 🍺 🍺
Camino del Norte, jour 26,
San Xusto – Gontàn
Allez, on va dire une journée en demi-teinte aujourd’hui.
Elle commence par un nouveau réveil tardif. Ça, quand nous ne sommes que 5 dans l’albergue, et que personne n’est pressé, forcément, on se lève vers 8h, et encore, en prenant le temps de s’étirer 😂 😂
Sauf qu’aujourd’hui, j’ai a priori une longue journée qui m’attend. J’avale donc un déjeuner (pain, saucisson et cacao, que du diététique sportif, quoi !), et je pars sur les chapeaux de roues… Enfin, de semelles… Et pas vraiment les chapeaux, vu mon genou et mon ampoule qui doivent encore s’échauffer !
Une première partie de journée de toute beauté, escarpée, mais par de jolis sentiers bordés, bien évidemment, d’eucalyptus.
Traversée de la ville de Mondonedo, passage devant la cathédrale, que je ne prendrais malheureusement pas le temps de visiter vu la horde de touristes qui stationnait devant, puis débute la seconde partie de la journée.
Mwouai.. Que de l’asphalte, et de longues montagnes russes. Je n’en peux plus. Mon genou de réveille, et je m’arrête à chaque point d’eau.
Je n’en vois pas la fin, et comble du bonheur, sans crier gare, un orage éclate 7km avant la fin. Obligé de mettre le sac à terre, sortir la capote et le poncho. Je me surprends à jurer au milieu des montagnes, qui me renvoient seulement mon écho.
J’arrive un peu exténué à l’albergue. Il est 16h30, j’ai parcouru 30 km, sous le soleil, sous la pluie, mais heureusement, il reste de la place.
Je pensais m’offrir un menu pèlerin pour me remettre de mes émotions. Finalement, ça sera pâtes aux sardines… 🐟 🐟
Camino del Norte, jour 27,
Gontàn – Vilalba
Un très beau parcours aujourd’hui, très agréablement réparti entre de beaux sentiers bordés de chênes, un peu de routes, et quelques jolis villages rustiques. Le tout sans trop de dénivelés, et fort heureusement !
Car la fatigue d’hier s’est fait sentir jusqu’à ce jour, avec cette lancinante gêne dans le genoux qui ne me quitte décidément pas !
Mais ça va aller, Luc ! Ça va aller !
Aujourd’hui est une petite journée (21km), demain et après aussi ( respectivement 18 et 16km, que je pourrais cumuler, mais je préfère me ménager !)
Alors que je cheminais lentement en clopinant, à hauteur d’un magnifique pont médiéval conservé dans son jus, je fus apostrophé par un vélocipédiste qui s’arrêta à ma hauteur. C’était un colporteur qui me vanta les mérites d’une nouvelle albergue privée au centre-ville de ma destination.
Dites-vous bien que je suis assez hermétique à ce genre de démarche. Mais sa façon d’être et de s’exprimer en parfait français m’avait toutefois intrigué, et une fois parti, je consulte son dépliant.
L’albergue municipale de Vilalba est située 1,5km avant la ville, en pleine zone industrielle, et sans cuisine. Pour 6€, et un confort spartiate.
Là, pour 10€, j’avais une privée, en centre ville, avec cuisine full équipée. Et je me suis laissé tenter !
Je suis tombé dans un palace pour pèlerin ! Tout flambant neuf, douche avec grand pommeau « pluie », du savon liquide à disposition, une cuisine qui tenait ses promesses, et des lits… Avec de vrais draps en coton et une épaisse couette ! Ça va cô être dur de se lever demain… 😂 😂 😂
Et en guise de repas, petite variante à ma recette: oignon/tomate/ail + calamars à l’encre de seiche. Un régal…
Camino del Norte, jour 28,
Vilalba – Baamonde
Une bonne nuit dans un vrai lit avec des draps en coton et une couette bien épaisse ne pouvait être que bonne !
e me lève vers 7h30, je prends le temps de déjeuner avec un bon café et un cake aux pommes fait maison par la patronne, puis le temps de panser mon pied et boucler mon sac… Il est 8h37! 😂 😂
Mais peu importe, l’albergue de Baamonde comporte 94 places, et à peine 19 km m’en séparent.
C’est donc serein que je quitte la ville en deux enjambées : directement un beau sentier longeant l’arrière des jardins, puis un pont, des forêts, des chênes et des pins.
Vous l’aurez compris, ce fut un beau parcours !
À l’orage d’hier soir avait pourtant suivi une pluie drue toute la nuit. Et ce matin, les paysages baignaient dans la brume et l’humidité. Mais c’était sans compter sur la Galice et ses caprices : à 10h déjà, le soleil brillait de tout son éclat !
Les rares routes empruntées me firent traverser des hameaux, parfois passer au milieu de fermes surannées.
Quant à l’albergue de Baamonde, elle se situe à la borne 100,459 km. Cela explique donc son importance qui dénote clairement des albergues précédentes, la borne des 100 étant la distance minimale à franchir pour obtenir la Compostela ! Certains commencent ainsi leur Chemin ici, dans l’unique intérêt d’obtenir ce précieux document. En Espagne, c’est un atout indéniable sur un CV…
PS: alors que le genou allait beaucoup mieux ce matin, il a soudain fait une rechute à l’arrivée, avec cette désagréable sensation qu’il veut se plier à contresens. Je me suis donc décidé à acheter une genouillère (sans le « r » 😂 😂 😂)
Camino del Norte, jour 29,
Baamonde – Roxica
Je n’ai jamais passé une aussi mauvaise nuit en albergue !!! À leur décharge, je n’ai pas encore non plus cette année sorti mes bouchons d’oreilles intersidéraux probablement mis au point par la NASA, mais quand même… Je crois qu’il ne s’est pas passé un quart d’heure sans que quelqu’un aille aux toilettes, sans parler du jeune polonais, qui, sur le coup de 3h du matin, s’est mis en tête de faire l’inventaire de son sac à dos ( c’est du moins l’impression qu’il m’a donné !).
Je me mets en route à 8h, après la cohue générale des lèves-tôt, sous une pluie soutenue qui ne nous quittera pas de la journée malgré quelques accalmies.
Un très beau début de parcours, encore une fois par des sentiers et des chênaies. Des fermes, des champs de maïs. Puis un peu de route avant de plonger dans un paysage surprenant fait de landes et de rochers.
J’avais décidé de modifier mon découpage. Plutôt que de faire 16 bornes aujourd’hui et 23 demain, j’en ai fait 26 ! Demain, donc, toute petite journée pour arriver au monastère de Sobrado, lieu incontournable de ce parcours, et profiter d’un peu de farniente dans ce havre de paix.
Un gros orage vient encore de nous arroser, quatre provinces, dont la Galice, sont en alertes orange jusque jeudi, et à quelques kilomètres d’ici, toute une région a été dévastée par des grêlons gros comme des balles de ping pong !
Espérons que ça ne me tombe pas sur la gu…. demain !
Camino del Norte, jour 30,
Roxica – Sobrado dos Monxes
Soyons cool, je n’ai que 15 km à parcourir. Quinze ? En passant par Pedramair ! Mais en évitant ce long crochet, je pouvais raccourcir de 2 km. Au moins…
Je quitte bon dernier l’albergue de Roxica, où nous avions été reçus comme des rois !
Il ne pleut pas, ou peu, et par intermittence. Mais c’est encore pire : c’est une brume collante qui transforme ma barbe en piège à vapeur et le reste de mon corps velu en véritable éponge. Je ne suis pas à enfiler puis retirer mon poncho…
Le parcours s’avère pourtant aussi court qu’agréable, par de petits sentiers parfois creusés entres les rochers.
Mais cette pluie est quant à elle extrêmement désagréable !!!
Mon raccourci m’aura fait dépasser à leur ainsi mes deux amies françaises, dont l’une fête aujourd’hui ses 62 printemps. L’occasion de lui laisser quelques messages inscrits dans la terre ameublie par les pluies de la nuit.
Je suis le premier à me présenter à l’accueil du monastère de Sobrado. C’est spartiate, limite austère, mais emprunt d’une solennité multiséculaire. Et on ne peut que s’incliner et admirer ce lieu.
Mais peu à peu, ils arrivent, au compte goutte, puis à la grosse louche. Les pèlerins se bousculent et se mélangent aux touristes, tout en se différenciant tant par l’attitude que leur apparence.
Mais nous formons un clan à part, on se reconnait, on se retrouve, et on partage vivres et vins dans une joyeuse cohue…
Camino del Norte, jour 31,
Sobrado dos Monxes – Arzua
Je me suis exceptionnellement levé cette nuit pour aller aux toilettes. Une irrépressible envie de boire… Et de pisser ! 😂 😂 😂
Ben quoi ? Ça arrive… 😂 😂 😂
Enfin bref, 3h du matin, une chaleur de gueux dans le dortoir, j’ouvre la porte et me retrouve torse nu, en boxer, dans le cloître. Mais alors qu’hier soir encore, le ciel crachait tout son fiel, je découvre une des plus belles voutes célestes qu’il m’ait été donné d’admirer ! Je resterai un bon quart d’heure, à contempler cet infini scintillement, devinant même dans l’obscurité de la nuit, la voie lactée.
Par contre ce matin, lorsqu’à 8h12, je me décide à prendre la route, le ciel est invariablement gris… Mais sec !
Un parcours différent, que je m’offre à l’insu des autres pèlerins qui bifurquent à droite alors que je continuerai tout droit.
Un parcours solitaire comme je les aime, à la rencontre de gens vrais, peu habitués à voir des pèlerins passer ! Des gens souriants, avenants, et heureux de me voir !
Mais aussi parfois un parcours semé d’embuches, lorsque je dois traverser de nouvelles plantations au milieu desquelles la sente ne semble plus avoir été empruntée depuis des lustres. Me voilà traçant presque à la machette, entre ronces et fougères. Quelques frayeurs, mais quel bonheur !
Je suis aujourd’hui à Arzua. J’ai donc rejoint le camino Francès, et sa horde de pèlerins hétéroclites. Je suis toutefois agréablement surpris. Pas de foule dense et compacte, pas de groupes d’étudiants aux jeunes filles en tutu rose fluo, et aux garçons boutonneux au gsm qui débite à fond une musique tonitruante. Pas d’éclat de rire, aucun cri. Bien au contraire, un esprit serein et fraternel, des conversations, des échanges, des rencontres et la découverte d’histoires et de tranches de vie.
Et une agréable soirée, entre français, belges, slovaques, polonais, espagnols, allemands, bulgares, et j’en passe certainement…
Camino del Norte, jour 32,
Arzua – O Pedrouzo
He ben franchement, je m’attendais à bien plus de monde sur le Francès.
Plus que sur le Norte, c’est sûr, mais ça n’est pas la grosse foule, bien moins que ce que j’avais connu en juin.
Je serai encore lanterne rouge au départ ce matin. Mais peu importe ! Je marche à mon rythme, tranquille, je dépasse, on me dépasse, mais sur le Francès, n’en déplaise aux puristes, l’esprit est quand même tout autre !
Je reconnais ce bar, cette forêt, ce raidillon, ce bâtiment toujours en construction, ou plutôt devrais-je dire à l’abandon.
J’arrive paisible à l’albergue, je me pose, je me repose, puis je retrouve quelques amis de la veille. Puis des nouveaux aussi. Le vin coule. On évoque notre journée, notre Chemin. Puis notre arrivée, demain…
Camino del Norte, jour 33,
O Pedrouzo – Santiago
Vous savez maintenant que je suis bien arrivé, mais je n’allais pas vous laisser sans vous conter ma dernière journée.
J’avais exceptionnellement prévu un levé très matinal: une entrée à Santiago, cela se savoure dans chaque dernier pas de cette ultime journée.
À 6:00, mon sac déjà prêt de la veille, je range mes derniers effets, enveloppe mon petit doigt de pied, enfile ma genouillère, et me voilà parti, en même temps d’ailleurs que la grande majorité.
Il fait encore nuit noire, nous devinons à peine les flèches délavées sur les trottoirs, mais nous allons tous dans la même direction.
L’obscurité est encore renforcée lorsque nous traversons ces forêts d’eucalyptus. La frontale devient alors indispensable, et les ombres fantasmagoriques s’ajoutent à l’ambiance.
Le jour se lève, j’aperçois le premier bar, et je m’offre un déjeuner (belge ! Il est 7h40) pantagruélique.
Le trajet est agréable, par de beaux sentiers encaissés, des villages typiques, ou des forêts parfumées. Mais on sent surtout le commerce à plein nez : des bars fleurissent partout, de nouveaux sont encore en constructions, puis il y a aussi ces marchands du temple, qui offrent souvenirs, gadgets, ou fruits, parfois à la sauvette à l’arrière d’une camionnette.
Monte do Gozo, première grosse émotion. Car au-delà du monument au design discutable, il y a les deux Pèlerins qui du bout des doigts, là, au loin, pointent vers la cathédrale qu’on aperçoit pour la première fois.
C’est ensuite la descente vers Santiago, et je suis surpris de constater que le parcours a changé. Finis les interminables tours et détours par des passerelles que j’avais connu il y a deux ans, pour enjamber les noeuds autoroutiers. On contourne maintenant pour entrer directement dans Santiago par une voie parallèle.
La fin du Chemin me semble artificiellement longue, mais ce sont mes pieds, mes muscles, tout mon corps qui freinent ma progression.
Je descends lentement la dernière rue commerçante, mes yeux s’embuent. Je m’arrête sur le dernier banc avant de pénétrer dans la vieille ville. Je ne veux pas de cette genouillère pour ma rentrée !
Plus que 300 m. Chaque pas est mesuré, chaque respiration contient mes larmes.
Je pense que je peux arriver 20 fois, 100 fois ici, je ressentirai toujours ce mélange de satisfaction et de mélancolie.
Je descends l’escalier au son de la cornemuse, une dernière inspiration, je retiens mon souffle… Et pose un pied sur l’Obradoiro. J’avance maintenant au rythme des larmes qui coulent sur mes joues, je mesure les sacrifices et l’effort, ces jours, ces semaines de marche, parfois dans la solitude, l’absence ou la douleur, le partage et les rencontres, les paysages aussi. C’est à ce prix qu’on savoure sa modeste « victoire », et c’est ce qui fait la beauté du Chemin.