03/05/2015, jour 50 : Bazas – Captieux

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Une fois n’est pas coutume, et cela va nous reposer des jours précédents, c’est en théorie une toute petite journée qui nous attend. Je dis en théorie, car l’expérience d’hier nous a laissé un goût amer, et nous craignons encore les mauvaises surprises qui nous font faire bien malgré nous des détours et des caracoles à travers la campagne.

Je ne vais pas me mentir, j’aurai préféré un bon lit avec un matelas bien moelleux plutôt que l’austère plancher du gîte de Bazas. Mais je ne vais pas me plaindre non plus, loin de là. J’étais au sec, au chaud, et surtout bien entouré. Ceci dit, nonobstant le plancher, mon sommeil fut très léger, entre Patrick qui pète parfois, et Jean-Marie qui ronfle tout le temps. A moins que ça ne soit une de nos amies hollandaises concernant les doux zéphyrs ? Le mystère reste entier ! Pas pour les ronflements, Jean-Marie ayant plaidé coupable déjà bien avant de s’endormir hier soir.

Puisque la journée s’annonce courte, il est encore moins raison de se presser que les autres matins. On se lève donc sans trop se bousculer, on replie chacun nos effets, surtout moi, qui avais du sortir tout mon barda pour m’installer sur le sol. La chambre est claire, illuminée par un soleil qui pointe déjà la bout de son nez.

Déjeuner désormais classique, mais avec un café qui retrouve aujourd’hui la saveur des mains expertes de Patrick ! On trouve dans le frigo quelques pots de confiture, un fond de lait qui semble encore buvable, quelques sucres, et nos sempiternelles baguettes.

Anna et Ria partent de leur côté, Jean-Marie préfère faire cavalier seul. Patrick et moi décidons en ce jour et peut-être inconsciemment pour fêter nos retrouvailles, de marcher ensemble toute la journée. Et nous voilà parti vers la cathédrale, confiant de retrouver là une balise qui nous remettrait sur le droit chemin.

Et de fait, nous la trouvons sans coup férir, mais à notre grand désarroi, elle nous envoie vers une route en travaux qui est complètement barrée et impraticable à toute circulation, même celle des piétons. Pas d’autre choix donc que de revenir sur nos pas, pour finalement rejoindre la route principale qui mène à Captieux et se renseigner dans un bar sur la bonne marche à suivre. C’est bien par là, et dans quelques centaines de mètres face à un rond-point, nous devrions retrouver notre Chemin !

Début épique, mais qui n’allait pas entacher notre bonne humeur. D’autant que les indications sont claires et précises. Au rond-point, à droite, et à peine 500 mètres plus loin, nous devrions tomber sur l’ancienne voie ferrée.

Nous n’allions d’ailleurs pas la quitter de la journée. C’est presque trop facile, sur l’assiette des anciens rails ainsi aménagée. C’est plat, c’est propre, c’est surtout très vert et très calme. Un véritable bonheur d’avancer ainsi sans devoir se soucier un seul instant de notre direction. Mais aussi parfois une sensation d’infini et de monotonie. Avance-t-on vraiment lorsqu’en parfaite ligne droite, chaque vue ressemble à la précédente ?  Il faut avoir l’œil aguerri, scruter entre les arbres pour apercevoir un semblant d’horizon, un bâtiment, ou un champs. Il faut faire attention au moindre détail, à cet arbre qui entrave un peu la voie, à celui-ci, légèrement différent. Le trajet est agréable, certes, mais heureusement que nous sommes deux pour faire un peu passer le temps !

Sur cet infini, nous allons lentement mais sûrement rattraper Frédéric. Un personnage un peu atypique, pas très grand, guère épais (comme dirait Tolstoï), au chapeau de cowboy démesurément grand par rapport à sa stature, et au sac à dos aussi large et haut que lui. Ajoutez à cela un petit poêlon qui barloque au bout d’un mousqueton, et sa boussole en bandoulière, c’est presque une caricature ! Il n’en demeure pas moins bien sympathique, ce Frédéric, et il constituera à lui seul notre unique et éphémère rencontre de la journée,

De lui, nous ne saurons pas grand chose. Il n’est guère bavard, et notre conversation tourne uniquement sur le beau temps, le Chemin et notre destination. Nous apprendrons qu’il est un peu ici par hasard, puisqu’il n’a quitté chez lui que quelques jours auparavant, et qu’il n’emprunte la voie de St-Jacques que pour rejoindre celle de Lourdes. Un autre pèlerinage, peut-être d’autres motivations. Il ne nous le dira pas.

A peine l’occasion de sympathiser, qu’il s’arrête net au milieu de nul part. Enfin, pense-t-on, car sur la gauche se dessine quelques bâtiments, et c’est là, nous dit-il, qu’il fait halte aujourd’hui. L’endroit paraît désert, presque abandonné. A-t-il profité de cet instant pour nous faire comprendre qu’il souhaite rester seul ? Il est à peine midi, il fait beau, chaud, limite lourd, mais au frais sous cette frondaison d’arbres aux jeunes feuilles bien vertes. S’est-il vraiment arrêter ? On ne va pas chercher à comprendre, et on le laisse là, en lui souhaitant tout de même un Buen Camino, même si l’expression lui semble un peu étrange.

Quant à nous, c’est vers 14h que  nous arrivons à destination. Il est super tôt. Cela faisait bien longtemps que nous n’avions plus eu l’occasion d’arriver si tôt et de profiter de toute une après-midi de farniente. Petit passage par la mairie pour signaler notre arrivée et retirer les clef du gîte municipal. Et découverte de notre lieu de villégiature.

C’est au fond d’une impasse, par une porte donnant sur une petite cour mal entretenue, que nous en trouvons l’entrée. De prime abord, cela ne laissait rien présager de bon. Une fois enjambées les mauvaises herbes en faisant attention de ne pas se prendre la tête dans les fils à linge qui zébraient l’espace aérien, on entre dans un local où 3 lits superposés se disputent la place. Un petit local qui fait office de salle de bain et de toilette. Puis un rideau qui cache un petit coin cuisine. C’est rustique, c’est le moins qu’on puisse dire. Cela ressemble un peu aux bungalow qu’on loue dans les camping, pendant nos vacances. C’est propre, c’est pratique, c’est tout dépareillé, mais il a ce je-ne-sais-quoi qui fait qu’on s’y sent bien.

La surprise nous attend à l’arrière du bâtiment : une porte s’ouvre sur une petite terrasse couverte avec une table et quatre chaises, qui donne sur un immense parc privé, rien qu’à nous !

On s’y installe tranquillement, on passe chacun son tour à la douche, et puisque l’heure est propice, on en profite pour faire une sieste dont nous serons tirés par l’arrivée de deux hollandaises, mais pas Anna et Ria, dont je ne sais d’ailleurs ce qu’elles sont devenues.

Hellen et Ketty, que nous baptiserons affectueusement Hello Kitty, sont charmantes. L’une un peu sportive et dynamique, l’autre plus rondouillarde mais non moins sympathique, elles se sont mises au défi de rallier Saint-Jacques malgré leur âge, l’une entrainant l’autre et inversement. Elles sourient, tout le temps. Un concentré de bonne humeur et de courage aux cheveux blancs comme neige !

Pendant qu’elles s’installent et prennent leurs marques dans ce minuscule gîte, nous nous proposons, Patrick et moi, d’aller faire quelques emplettes pour le souper. La cuisine n’est pas des mieux achalandées, mais suffisantes aux yeux de Patrick pour nous concocter un festin fait de trois fois rien dont lui seul à le secret.

Direction donc l’épicerie la plus proche pour y dénicher quelques pommes de terre, une salade bien verte, et une barquette de lardons fumés. Sans oublier bien entendu quelques bières en apéro, et une bouteille de vin dont je laisse à Patrick le soin de choisir. Chacun son domaine : moi, la bière, lui, le vin !

De retour au refuge, nous slalomons entre les soutiens-gorges et les petites culottes (qui a dit petite ?) qui sèchent dans la cour pour y dresser l’inventaire de ce que nous pouvons faire avec les trésors que nous avons acheté. Au menu ce soir, une salade vinaigrette accompagnée de pommes de terre rissolées au beurre et aux lardons croustillants. Patrick s’avère décidément un chef-coq hors pair !

Nous nous installons bien évidemment en terrasse pour savourer notre festin. Et la soirée se passe ainsi, entre rires et moments de silence, regards complices et simple bonheur de partager ces instants sans se soucier du lendemain. Ketty se mettra même à pleurer, submergée par l’émotion de se retrouver ici, si bien, tellement heureuse, loin de tout, mais si proche d’elle-même. Elle n’aurait jamais cru qu’en venant sur le Chemin, c’est finalement elle qu’elle allait retrouver.

Je profite d’une fin de soirée qui s’éternise pour téléphoner à Henri et Dannis.  Ils sont loin devant nous, nous ont presque déjà pris une étape d’avance. Je n’ai finalement aucun regret de ne pas les avoir rejoints hier. Je n’aurai jamais su les suivre. A chacun son Chemin, chacun son rythme et ses attentes, sa motivation, et ses obligations. Je sais aujourd’hui que je ne les verrais plus jamais…

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Ou celui du lendemain ?

© Luc BALTHASART, 27/02/2018

7 réflexions sur « 03/05/2015, jour 50 : Bazas – Captieux »

  1. bonjour Luc.
    Je pense me souvenir du Frédéric dont tu parles. si ma mémoire est bonne il ne parcourait que des demi étapes et il n’aimait guère se mêler aux gens. Si mon souvenir est exact il n’avait pas partagé notre table lorsqu’il était passé à roquefort. Chacun a son rythme, ces motivations et ces raisons, sur ce chemin de liberté.
    C’est toujours un plaisir de te lire.
    A bientôt.

    1. Bonjour Fred,

      C’est un plaisir partagé d’avoir de tes nouvelles, et de savoir que tu me « suis ».

      C’était un être étrange, ce Frédéric, mystérieux et silencieux. Si tu me dis qu’il ne faisait que des demies étapes, il a du passer près de toi 3 jours après moi.
      Je ne l’ai forcément jamais revu, mais je me devais de le mentionner dans mon récit 🙂

      Mais comme tu dis, chacun son rythme, ses motivations, son Chemin, et en occurrence, ici, en plus, chacun sa Voie, puisque lui partait pour Lourdes.

      Comment vas-tu, comment va ton fils?

      A bientôt,
      Luc

      PS : j’arrive « ce soir » à Roquefort, je suis occupé à la rédaction de ma 51ème journée

      PS2 : j’ai écris hier sur tes recommandations à Monsieur Etxebarria, via le formulaire de contact sur le sites de la Société Landaise des Amis de SAint-Jacques, afin de voir si il pouvait me communiquer les coordonnées de Jean-Marie. 😉

      journée

  2. je t’avoue que je ne voulait pas écrire le petit commentaire car je ne voulait pas « polluer » ton esprit si près du récit de la soirée que tu avais passé à Roquefort. Il me tarde de lire cette étape plus encore que les autres. Mais depuis que tu as dépassé La Réole, je revis mon chemin en attendant de repartir.

  3. la pression il vaut mieux la boire que l’avoir!!!
    fais juste ce que tu fais si bien, tu laisse parler ton cœur dans tes écrits et c’est pour cela qu’ils sont beaux. la pation que tu mets dans tes écrits se sent et se ressent.

  4. A VÉRIFIER !!!!
    par une porte donnant sur une petit « e » cour mal !!!!

    je t’ envoi un petit bonjour et moi aussi j’ attend une étape importante !!
    j’ai pris un peu de retard dans tes récits car nous étions partis à la neige.
    A bientôt

    1. Bonjour « papa » 😉

      C’est corrigé, merci ! Nul n’est à l’abri d’une faute d’orthographe ou d’une coquille, et j’en ai certainement laissé passer d’autres 🙂

      Je sais que vous attendez également mon passage à St-Palais… Patience, encore 6 jours si je compte bien 😉

      A bientôt,
      Luc

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